5 janv. 2010

« Indépendances » africaines, Année de l’Afrique en France… et Identité nationale !



Bonne année 2010





50e anniversaire

des « indépendances » africaines,

Année de l’Afrique en France…

et Identité nationale !



par


Alexandre Gerbi
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Poser la question de l’identité nationale sous la Ve République n’est pas anodin. Au contraire, sous certains rapports, c’est poser LA question centrale.

En effet, c’est au nom d’une définition très précise de l’identité nationale qu’a été modelée la « France » telle que nous la connaissons aujourd’hui. Dans ses dimensions géographiques, démographiques, politiques… Bref, dans presque toutes ses dimensions, la France actuelle est la projection d’une « certaine idée » de l’identité nationale…

Quelle est cette « identité nationale » aux pouvoirs exorbitants, quoique secrète, sur laquelle fut fondée, en ses origines, la « France » d’aujourd’hui ?


Une définition fondamentale et secrète

Tout simplement celle énoncée, en coulisses, par le fondateur de la Ve République lui-même, le général de Gaulle :

« Nous sommes quand même avant tout un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne. »

C’est au nom de cette définition fondamentale, totalement contraire aux principes hérités de 1789 et qui, pour cette raison, ne fut jamais formulée publiquement, que Charles de Gaulle a redessiné la « France » entre 1958 et 1962, en la débarrassant de tout ce qui, à ses yeux, n’était pas la France ou Français (1).

Evidemment, on voit bien que cette définition gaullienne de la France, éminemment restrictive, est inacceptable, tout comme est inacceptable le « largage » méprisant et rapace, antidémocratique et antisocial, qui, sous couvert de noble « décolonisation », frappa il y a 50 ans l’Afrique et les citoyens africains de la France. Tout comme est inacceptable le nouvel ordre mondial qui en résulta, ce monde d’exploitation et d’aliénation de l’Afrique et des Africains, mais aussi de l’homme en général et, si j’ose dire, du peuple (2).


Dénoncer le débat pour en limiter la portée

Dans ces conditions, on comprend qu’aujourd’hui, ni les gardiens du temple gaullien, ni l’extrême-gauche, ni une certaine gauche gagnée sans nuance aux thèses dites « anticolonialistes » qui, dans les faits, ont servi tant le néocolonialisme que la division des hommes (3), n’aient envie que le débat sur l’identité nationale ait lieu. On comprend bien que le « système » de la Ve République préfère dénoncer ce débat comme scandaleux ou absurde, en tout cas à en limiter la portée (4).

Car pareil débat sur cette question précise de l’« identité nationale », déclenché au seuil du cinquantenaire des indépendances africaines et de l’Année de l’Afrique en France, menace de conduire in fine à un grand déballage, à cause de (ou grâce à) l’évidence historiographique, et malgré l’hypocrisie du monde et la loi du silence.

Faut-il croire que la présidence de la République française veuille percer l’abcès, pour qu’elle ait lancé un tel débat avec tambours et trompettes au seuil d’une période si symboliquement chargée ?

En 2010, les médias, les intellectuels, la classe politique, tous bords confondus, seront-ils aussi lâches et hypocrites que d’habitude ? En 2008, le cinquantenaire de mai 1958 fut ainsi occulté, notamment grâce à l’écran de fumée des 40 ans de mai 68…


Continuera-t-on, après 2010, de vivre dans un monde qui ment ?

Continuera-t-on, tout en voyant le racisme partout pour mieux le dénoncer avec des luxes d’ostentation, de faire simultanément comme si la séparation franco-africaine avait été voulue par les peuples d’Afrique il y a cinquante ans ?

Les donneurs de leçons de l’antiracisme, entre deux larmes de crocodile versées sur les « sans-papiers » et les malheurs de l’Afrique, continueront-ils à agir en parfaits complices de la Ve République gaullienne, grande largueuse d’Africains ?

Continueront-ils, multipliant les alibis humanistes, de servir un système qui, entre mensonges, incurie, cynisme, rapacité et histoire fictive, provoque inexorablement les ravages de la misère, la montée de la défiance, l’exacerbation de la haine entre les hommes ?

Cette nouvelle année 2010, d’une façon ou d’une autre, nous apportera rapidement la réponse…


Alexandre Gerbi



Notes :
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(1) Selon un programme partagé sur le fond par la plupart de ses prédécesseurs de la IVe République, tous partis confondus : Léon Blum, Edouard Herriot, Pierre Pflimlin… Ceux-ci, d’ailleurs, avaient commencé de dégrossir l’ensemble franco-ultramarin, en se dégageant d’Indochine, de Tunisie et du Maroc, faute d’avoir pu se résoudre à envisager d’accorder l’égalité politique pleine et entière à leurs populations.

(2) Cette dernière affirmation, qu’on pourrait croire excessive, est en tout cas partagée par une grande partie des Français aujourd’hui qui, très inquiets pour l’avenir, sont consternés par l’époque, par leurs hauts dirigeants politiques qu’ils jugent essentiellement déconnectés, inutiles ou impuissants, autant que par les « élites » qui, imbues d’elles-mêmes, affichent volontiers leur mépris pour la France « d’en bas ».

(3) Sans voir que ces thèses prétendument anticolonialistes ont en réalité servi le triomphe du néocolonialisme, et la destruction de l’unité franco-africaine… Unité franco-africaine qui, pourtant, aurait dû séduire au premier chef les « internationalistes »…

(4) Ainsi, par exemple, à gauche, Michel Rocard juge le débat « inutile et dangereux » (France Inter, 20 novembre 2009). Et, à droite, Alain Juppé explique : « J’ai manifesté un peu de scepticisme sur l’utilité de ce débat. Sauf si l’on pose la vraie question. Il ne faut pas se cacher la face. Elle est la suivante, la vraie question : est-ce que la France, est-ce que la République française est islamo-compatible ou pas ? » (RTL, 9 décembre 2009) L’un dénigre et refuse le débat, l’autre le réduit et le limite drastiquement. Dans les deux cas, la dimension historique de la question, pourtant cruciale, se trouve bel et bien évacuée…


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