Vous avez dit
"déchéance de la nationalité" ?
Charles de Gaulle :
Discours d'Alger et de Mostaganem
4 et 6 juin 1958
et confidences ultérieures (1959)
par
Alexandre Gerbi
.
Tandis que le projet sarkozyen de déchéance de la nationalité n'en finit pas de défrayer la chronique et d'exciter les Tartuffes en France et dans le reste du monde, il est bon de revenir aux fondements de la Ve République blanciste, son idéologie secrète et délétère, ses innombrables et fondamentales trahisons de la République, de la démocratie, de l'Afrique et de la France.
C'est pourquoi nous croyons utile de proposer aux lecteurs les discours d'Alger et de Mostaganem, prononcés par Charles de Gaulle les 4 et 6 juin 1958.
Ces discours possèdent une double caractéristique : inspirés par l'avant-garde de l'école anthropologique française - en particulier par Claude Lévi-Strauss - mais aussi tributaires de la pensée politique nègre et ultramarine, ils brillent par leur hauteur de vue, et permirent au Général de justifier à la fois son retour par la force au pouvoir, le renversement de la IVe République, et d'obtenir les suffrages du peuple, en Métropole comme en Afrique ; ces discours furent intégralement trahis par le président de Gaulle, car celui-ci n'en croyait pas un mot.
En effet, dès l'année suivante, en 1959, de Gaulle avouera que l'égalité accordée aux Algériens et aux Africains lui semblait aussi absurde que stupide (voir ci-après, "ceux qui préconisent l'intégration sont des jean-foutre", "ceux qui prônent l'intégration ont une cervelle de colibri, même s'ils sont très savants")...
Pareils duplicité et machiavélisme anti-républicains et anti-démocratiques expliquent la plupart de nos désastres actuels, ainsi que ceux qui minent diversement l'Afrique et la France depuis des décennies. Tandis que le projet de déchéance de la nationalité française annoncé par le président de la République n'en est qu'un énième avatar.
Chacune et chacun puissent le comprendre.
Alexandre Gerbi
Discours d'Alger, 4 juin 1958
Je vous ai compris !
Je sais ce qui s'est passé ici. Je vois ce que vous avez voulu faire. Je vois que la route que vous avez ouverte en Algérie, c'est celle de la rénovation et de la fraternité.
Je dis la rénovation à tous égards. Mais très justement vous avez voulu que celle-ci commence par le commencement, c'est à dire par nos institutions, et c'est pourquoi me voilà. Et je dis la fraternité parce que vous offrez ce spectacle magnifique d'hommes qui, d'un bout à l'autre, quelles que soient leurs communautés, communient dans la même ardeur et se tiennent par la main.
Eh bien ! de tout cela, je prends acte au nom de la France et je déclare, qu'à partir d'aujourd'hui, la France considère que, dans toute l'Algérie, il n'y a qu'une seule catégorie d'habitants : il n'y a que des Français à part entière, des Français à part entière, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs.
Cela signifie qu'il faut ouvrir des voies qui, jusqu' à présent, étaient fermées devant beaucoup.
Cela signifie qu'il faut donner les moyens de vivre à ceux qui ne les avaient pas.
Cela signifie qu'il faut reconnaître la dignité de ceux à qui on la contestait.
Cela veut dire qu'il faut assurer une patrie à ceux qui pouvaient douter d'en avoir une.
L'armée, l'armée française, cohérente, ardente, disciplinée, sous les ordres de ses chefs, l'armée éprouvée en tant de circonstances et qui n'en a pas moins accompli ici une œuvre magnifique de compréhension et de pacification, l'armée française a été sur cette terre le ferment, le témoin, et elle est le garant, du mouvement qui s'y est développé.
Elle a su endiguer le torrent pour en capter l'énergie, Je lui rends hommage. Je lui exprime ma confiance. Je compte sur elle pour aujourd'hui et pour demain.
Français à part entière, dans un seul et même collège ! Nous allons le montrer, pas plus tard que dans trois mois, dans l'occasion solennelle où tous les Français, y compris les 10 millions de Français d'Algérie, auront à décider de leur propre destin.
Pour ces 10 millions de Français, leurs suffrages compteront autant que les suffrages de tous les autres. Ils auront à désigner, à élire, je le répète, en un seul collège leurs représentants pour les pouvoirs publics, comme le feront tous les autres Français.
Avec ces représentants élus, nous verrons comment faire le reste.
Ah ! Puissent-ils participer en masse à cette immense démonstration tous ceux de vos villes, de vos douars, de vos plaines, de vos djebels ! Puissent-ils même y participer ceux qui, par désespoir, ont cru devoir mener sur ce sol un combat dont je reconnais, moi, qu'il est courageux... car le courage ne manque pas sur la terre d'Algérie, qu'il est courageux mais qu'il n'en est pas moins cruel et fratricide !
Oui, moi, de Gaulle, à ceux-là, j'ouvre les portes de la réconciliation.
Jamais plus qu'ici et jamais plus que ce soir, je n'ai compris combien c'est beau, combien c'est grand, combien c'est généreux, la France !
Vive la République ! Vive la France !
Discours de Mostaganem, 6 juin 1958
La France entière, le monde entier, sont témoins de la preuve que Mostaganem apporte aujourd'hui que tous les Français d'Algérie sont les mêmes Français. Dix millions d'entre eux sont pareils, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs.Il est parti de cette terre magnifique d'Algérie un mouvement exemplaire de rénovation et de fraternité. Il s'est élevé de cette terre éprouvée et meurtrie un souffle admirable qui, par-dessus la mer, est venu passer sur la France entière pour lui rappeler quelle était sa vocation ici et ailleurs.C'est grâce à cela que la France a renoncé à un système qui ne convenait ni à sa vocation, ni à son devoir, ni à sa grandeur. C'est à cause de cela, c'est d'abord à cause de vous qu'elle m'a mandaté pour renouveler ses institutions et pour l'entraîner, corps et âme, non plus vers les abîmes où elle courait mais vers les sommets du monde.Mais, à ce que vous avez fait pour elle, elle doit répondre en faisant ici ce qui est son devoir, c'est-à-dire considérer qu'elle n'a, d'un bout à l'autre de l'Algérie, dans toutes les catégories, dans toutes les communautés qui peuplent cette terre, qu'une seule espèce d'enfants.Il n'y a plus ici, je le proclame en son nom et je vous en donne ma parole, que des Français à part entière, des compatriotes, des concitoyens, des frères qui marchent désormais dans la vie en se tenant par la main. Une preuve va être fournie par l'Algérie tout entière que c'est cela qu'elle veut car, d'ici trois mois, tous les Français d'ici, les dix millions de Français d'ici, vont participer, au même titre, à l'expression de la volonté nationale par laquelle, à mon appel, la France fera connaître ce qu'elle veut pour renouveler ses institutions. Et puis ici, comme ailleurs, ses représentants seront librement élus et, avec ceux qui viendront ici, nous examinerons en concitoyens, en compatriotes, en frères, tout ce qu'il y a lieu de faire pour que l'avenir de l'Algérie soit, pour tous les enfants de France qui y vivent, ce qu'il doit être, c'est-à-dire prospère, heureux, pacifique et fraternel.A ceux, en particulier qui, par désespoir, ont cru devoir ouvrir le combat, je demande de revenir parmi les leurs, de prendre part librement, comme les autres, à l'expression de la volonté de tous ceux qui sont ici. Je leur garantis qu'ils peuvent le faire sans risque, honorablement.Mostaganem, merci ! Merci du fond de mon cœur, c'est-à-dire du cœur d'un homme qui sait qu'il porte une des plus lourdes responsabilités de l'Histoire. Merci, merci, d'avoir témoigné pour moi en même temps que pour la France !Vive Mostaganem !Vive l'Algérie !Vive la République !Vive la France !Le Général s'éloigne du micro. La foule scande : "
Algérie française". Le Général revient au micro et dit : "
Vive l'Algérie française".
Source : http://www.charles-de-gaulle.org/
Dès l'année suivante, en 1959, Charles de Gaulle, devenu président de la République, jettera le masque (du moins en coulisses, car il se gardera bien de tenir de pareils propos face aux micros...) en confiant à Alain Peyrefitte :
Le 5 mars 1959 :
Général de Gaulle : Et les députés du groupe UNR, comment pensent-ils qu'on va s'en sortir ?
Alain Peyrefitte : Ils sont massivement favorables à l'intégration et à l'Algérie française.
GdG : Vous aussi, vous êtes pour l'Algérie française ?
AP : Je serais pour... si c'était possible. Mais je ne crois pas du tout que ça le soit.
GdG : Qu'avez-vous dit à vos électeurs pendant votre campagne ? Qu'avez-vous mis dans votre profession de foi ?
AP : J'ai dit et écrit qui faudrait "trouver une solution généreuse", "établir une paix juste".
Le Général esquisse un léger sourire : Vous ne vous êtes pas beaucoup avancé.
AP : Je ne m'y suis pas senti autorisé.
GdG : Je ne vous le reproche pas. Malheureusement, la plupart de vos collègues se sont crus autorisés, eux, à militer pour l'Algérie française et l'intégration ; et maintenant, ils voudraient m'imposer de tenir les engagements qu'ils ont eu la légèreté de prendre. De toute façon, l'Algérie française, c'est une fichaise et ceux qui préconisent l'intégration sont des jean-foutre. (…)
AP : Pourquoi n’avez-vous jamais utilisé ce terme (l’intégration ) ?
GdG : Parce qu’on a voulu me l’imposer, et parce qu’on veut faire croire que c’est une panacée. Il ne faut pas se payer de mots ! C’est très bien qu’il y ait des Français jaunes, des Français noirs, des Français bruns. Ils montrent que la France est ouverte à toutes les races et qu’elle a une vocation universelle. Mais à condition qu’ils restent une petite minorité. Sinon la France ne serait plus la France. Nous sommes quand même avant tout un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne. Qu’on ne se raconte pas d’histoires ! (…) Ceux qui prônent l'intégration ont une cervelle de colibri, même s'ils sont très savants. (…) Vous croyez que le corps français peut absorber dix millions de musulmans, qui demain, seront vingt millions et après-demain quarante ? Mon village ne s'appellerait plus Colombey-les-Deux-Eglises, mais Colombey-les-Deux-Mosquées ! »
Le 20 octobre 1959, enfonçant le clou :
Général de Gaulle : « Avez-vous songé que les Arabes se multiplieront par cinq puis par dix, pendant que la population française restera presque stationnaire ? Il y aurait deux cents, puis quatre cents députés arabes à Paris ? Vous voyez un président arabe à l’Elysée ? »
Alain Peyrefitte, C'était de Gaulle, tome 1, Ed. Fayard, 1994.
Libellés : 4 juin 1958, 6 juin 1958, de Gaulle, déchéance de la nationalité, décolonisation, discours d'Alger, discours de Mostaganem, france, La Ve République blanciste, République de 58