27 août 2010

En dépit des scandales sarkozyens : Les Africains ont le destin de la France entre leurs mains

Parlons chinois...



En dépit des scandales sarkozyens :

Les Africains ont le destin

de la France

entre leurs mains





par


Alexandre Gerbi

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Dans un pays et dans un monde qui ne seraient pas complètement débiles et dépoulpés, face à la menace d’implosion qui s’amplifie en France – de l’ultraviolence des « jeunes » à l’obscurantisme politique et religieux en passant par la neurasthénie collective – au point que même les plus aveugles et les plus hypocrites ne peuvent plus la nier, on serait en droit d’espérer :

1 – Que l’Etat français lève le voile sur la plus grande imposture de l’Histoire de France, fondatrice de la Ve République, qui permit au général de Gaulle, il y a cinquante ans, de larguer la moitié africaine de la population française sous prétexte de « décolonisation » (qui n’eut d’ailleurs jamais lieu dans les faits, et pour cause…), en réalité pour éviter le métissage racial et culturel de la France et relancer la machine colonialiste (« néocolonialisme », « Françafrique » sous couvert d’« indépendance » et de « coopération »).

2 – Que les médias arrêtent de manipuler les Français, en faisant régulièrement l’apologie sans nuances de Charles de Gaulle, père du détestable régime actuel. Car en coulisses, tout le monde sait désormais parfaitement que si le De Gaulle de la France libre fut un héros parce qu’il incarna la France résistante anti-vichyste et anti-nazie, en revanche chacun sait aussi que le De Gaulle du largage de l’Afrique (abusivement qualifié de « décolonisation ») fut un monstre de duplicité et de cynisme doublé d’un traître à la République, à la démocratie, à l’Afrique et à la France.

3 – Que les intellectuels français fassent leur mea culpa pour leurs collusions avec le Système de la Ve République blanciste. Car ce régime a trahi les droits de l’Homme, la démocratie et les principes les plus fondamentaux de la République, sucé le sang de l’Afrique après l’avoir infiniment méprisée, et abruti les Français à grands coups de mensonges. Les intellectuels français seraient bien inspirés, en particulier, de cesser de se pâmer devant le souvenir du Général, de Jean-Paul Sartre et de Raymond Aron. En retrouvant les voix d’Albert Camus, de René Char, de Léopold Sédar Senghor, d’Alioune Diop et de Claude Lévi-Strauss.

4 – Que les Français cessent d’être dupes et se révoltent enfin contre un Système (Etat, médias et intellectuels) qui les traîne en permanence dans la boue en les traitant de racistes et de collabos, pour mieux masquer ses propres turpitudes sur ces chapitres.

5 – Que les Français issus du monde ultramarin, en particulier ceux d’origine africaine, comme leurs pères jadis combattants de l’Armée d’Afrique, montent en première ligne pour défendre la France agonisante que les Français « de souche » sont manifestement incapables de défendre.

Malheureusement, aucun de ces cinq événements ne risque de se produire, puisque la France entière est en voie de décomposition très avancée. Qu’il s’agisse de l’Etat, des médias, des intellectuels ou encore du peuple, qu’il soit blanc ou noir, chrétien, musulman, juif ou athée, plus aucune foi dans le pays, plus aucun amour, plus aucune envie de se battre pour lui, plus aucune envie de plaider sa cause.

Reste à espérer en les Africains. Non seulement parce que la France fut naguère leur pays, pour le meilleur et pour le pire. Mais aussi car la France fait partie du patrimoine nègre historique, puisqu’avant d’être trahie et défigurée par Charles de Gaulle et ses complices notamment états-uniens, la France était historiquement la première défenderesse du monde noir (sans pour autant être, il est vrai, une petite sainte, loin s’en faut…) et déjà, depuis longtemps, une nation en partie nègre. Si d’aventure la France achevait de mourir, c’est le monde noir, et par conséquent l’Afrique, qui perdrait un pan important de son patrimoine. En disant tout cela, j’ai conscience de parler chinois aux oreilles de beaucoup.

Au demeurant, comme en 1939-45, le salut de la France viendra-t-il du dehors de l’Hexagone, à savoir du continent noir ? La prochaine révolution française, nécessaire au pays agonisant, surgira-t-elle des cieux d’Afrique ? A défaut, il faut craindre que c’en soit fini de la France, qui du reste est peut-être déjà morte à l’heure qu’il est.

Au bord du gouffre, s’ils échappent encore à la loi d’affaissement et d’autodestruction française, les Africains doivent avoir conscience de cette responsabilité qui, comme il y a 70 ans, pèse sur leurs épaules : ils ont le destin de la France, une nouvelle fois, entre leurs mains.

A ceux que mon discours effare, je le répète : j’ai conscience de parler chinois aux oreilles de beaucoup.

Alexandre Gerbi


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23 août 2010

Charles de Gaulle : Discours d'Alger et de Mostaganem et confidences ultérieures

Vous avez dit
"déchéance de la nationalité" ?



Charles de Gaulle :

Discours d'Alger et de Mostaganem

4 et 6 juin 1958

et confidences ultérieures (1959)



par


Alexandre Gerbi

.


Tandis que le projet sarkozyen de déchéance de la nationalité n'en finit pas de défrayer la chronique et d'exciter les Tartuffes en France et dans le reste du monde, il est bon de revenir aux fondements de la Ve République blanciste, son idéologie secrète et délétère, ses innombrables et fondamentales trahisons de la République, de la démocratie, de l'Afrique et de la France.

C'est pourquoi nous croyons utile de proposer aux lecteurs les discours d'Alger et de Mostaganem, prononcés par Charles de Gaulle les 4 et 6 juin 1958.

Ces discours possèdent une double caractéristique : inspirés par l'avant-garde de l'école anthropologique française - en particulier par Claude Lévi-Strauss - mais aussi tributaires de la pensée politique nègre et ultramarine, ils brillent par leur hauteur de vue, et permirent au Général de justifier à la fois son retour par la force au pouvoir, le renversement de la IVe République, et d'obtenir les suffrages du peuple, en Métropole comme en Afrique ; ces discours furent intégralement trahis par le président de Gaulle, car celui-ci n'en croyait pas un mot.

En effet, dès l'année suivante, en 1959, de Gaulle avouera que l'égalité accordée aux Algériens et aux Africains lui semblait aussi absurde que stupide (voir ci-après, "ceux qui préconisent l'intégration sont des jean-foutre", "ceux qui prônent l'intégration ont une cervelle de colibri, même s'ils sont très savants")...

Pareils duplicité et machiavélisme anti-républicains et anti-démocratiques expliquent la plupart de nos désastres actuels, ainsi que ceux qui minent diversement l'Afrique et la France depuis des décennies. Tandis que le projet de déchéance de la nationalité française annoncé par le président de la République n'en est qu'un énième avatar.

Chacune et chacun puissent le comprendre.



Alexandre Gerbi




Discours d'Alger, 4 juin 1958


Je vous ai compris !

Je sais ce qui s'est passé ici. Je vois ce que vous avez voulu faire. Je vois que la route que vous avez ouverte en Algérie, c'est celle de la rénovation et de la fraternité.

Je dis la rénovation à tous égards. Mais très justement vous avez voulu que celle-ci commence par le commencement, c'est à dire par nos institutions, et c'est pourquoi me voilà. Et je dis la fraternité parce que vous offrez ce spectacle magnifique d'hommes qui, d'un bout à l'autre, quelles que soient leurs communautés, communient dans la même ardeur et se tiennent par la main.

Eh bien ! de tout cela, je prends acte au nom de la France et je déclare, qu'à partir d'aujourd'hui, la France considère que, dans toute l'Algérie, il n'y a qu'une seule catégorie d'habitants : il n'y a que des Français à part entière, des Français à part entière, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs.

Cela signifie qu'il faut ouvrir des voies qui, jusqu' à présent, étaient fermées devant beaucoup.

Cela signifie qu'il faut donner les moyens de vivre à ceux qui ne les avaient pas.

Cela signifie qu'il faut reconnaître la dignité de ceux à qui on la contestait.

Cela veut dire qu'il faut assurer une patrie à ceux qui pouvaient douter d'en avoir une.

L'armée, l'armée française, cohérente, ardente, disciplinée, sous les ordres de ses chefs, l'armée éprouvée en tant de circonstances et qui n'en a pas moins accompli ici une œuvre magnifique de compréhension et de pacification, l'armée française a été sur cette terre le ferment, le témoin, et elle est le garant, du mouvement qui s'y est développé.

Elle a su endiguer le torrent pour en capter l'énergie, Je lui rends hommage. Je lui exprime ma confiance. Je compte sur elle pour aujourd'hui et pour demain.

Français à part entière, dans un seul et même collège ! Nous allons le montrer, pas plus tard que dans trois mois, dans l'occasion solennelle où tous les Français, y compris les 10 millions de Français d'Algérie, auront à décider de leur propre destin.

Pour ces 10 millions de Français, leurs suffrages compteront autant que les suffrages de tous les autres. Ils auront à désigner, à élire, je le répète, en un seul collège leurs représentants pour les pouvoirs publics, comme le feront tous les autres Français.

Avec ces représentants élus, nous verrons comment faire le reste.

Ah ! Puissent-ils participer en masse à cette immense démonstration tous ceux de vos villes, de vos douars, de vos plaines, de vos djebels ! Puissent-ils même y participer ceux qui, par désespoir, ont cru devoir mener sur ce sol un combat dont je reconnais, moi, qu'il est courageux... car le courage ne manque pas sur la terre d'Algérie, qu'il est courageux mais qu'il n'en est pas moins cruel et fratricide !

Oui, moi, de Gaulle, à ceux-là, j'ouvre les portes de la réconciliation.

Jamais plus qu'ici et jamais plus que ce soir, je n'ai compris combien c'est beau, combien c'est grand, combien c'est généreux, la France !

Vive la République ! Vive la France !



Discours de Mostaganem, 6 juin 1958


La France entière, le monde entier, sont témoins de la preuve que Mostaganem apporte aujourd'hui que tous les Français d'Algérie sont les mêmes Français. Dix millions d'entre eux sont pareils, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs.

Il est parti de cette terre magnifique d'Algérie un mouvement exemplaire de rénovation et de fraternité. Il s'est élevé de cette terre éprouvée et meurtrie un souffle admirable qui, par-dessus la mer, est venu passer sur la France entière pour lui rappeler quelle était sa vocation ici et ailleurs.

C'est grâce à cela que la France a renoncé à un système qui ne convenait ni à sa vocation, ni à son devoir, ni à sa grandeur. C'est à cause de cela, c'est d'abord à cause de vous qu'elle m'a mandaté pour renouveler ses institutions et pour l'entraîner, corps et âme, non plus vers les abîmes où elle courait mais vers les sommets du monde.

Mais, à ce que vous avez fait pour elle, elle doit répondre en faisant ici ce qui est son devoir, c'est-à-dire considérer qu'elle n'a, d'un bout à l'autre de l'Algérie, dans toutes les catégories, dans toutes les communautés qui peuplent cette terre, qu'une seule espèce d'enfants.

Il n'y a plus ici, je le proclame en son nom et je vous en donne ma parole, que des Français à part entière, des compatriotes, des concitoyens, des frères qui marchent désormais dans la vie en se tenant par la main. Une preuve va être fournie par l'Algérie tout entière que c'est cela qu'elle veut car, d'ici trois mois, tous les Français d'ici, les dix millions de Français d'ici, vont participer, au même titre, à l'expression de la volonté nationale par laquelle, à mon appel, la France fera connaître ce qu'elle veut pour renouveler ses institutions. Et puis ici, comme ailleurs, ses représentants seront librement élus et, avec ceux qui viendront ici, nous examinerons en concitoyens, en compatriotes, en frères, tout ce qu'il y a lieu de faire pour que l'avenir de l'Algérie soit, pour tous les enfants de France qui y vivent, ce qu'il doit être, c'est-à-dire prospère, heureux, pacifique et fraternel.

A ceux, en particulier qui, par désespoir, ont cru devoir ouvrir le combat, je demande de revenir parmi les leurs, de prendre part librement, comme les autres, à l'expression de la volonté de tous ceux qui sont ici. Je leur garantis qu'ils peuvent le faire sans risque, honorablement.

Mostaganem, merci ! Merci du fond de mon cœur, c'est-à-dire du cœur d'un homme qui sait qu'il porte une des plus lourdes responsabilités de l'Histoire. Merci, merci, d'avoir témoigné pour moi en même temps que pour la France !

Vive Mostaganem !
Vive l'Algérie !
Vive la République !
Vive la France !

Le Général s'éloigne du micro. La foule scande : "Algérie française". Le Général revient au micro et dit : "Vive l'Algérie française".

Source : http://www.charles-de-gaulle.org/


Dès l'année suivante, en 1959, Charles de Gaulle, devenu président de la République, jettera le masque (du moins en coulisses, car il se gardera bien de tenir de pareils propos face aux micros...) en confiant à Alain Peyrefitte :

Le 5 mars 1959 :

Général de Gaulle : Et les députés du groupe UNR, comment pensent-ils qu'on va s'en sortir ?
Alain Peyrefitte : Ils sont massivement favorables à l'intégration et à l'Algérie française.
GdG : Vous aussi, vous êtes pour l'Algérie française ?
AP : Je serais pour... si c'était possible. Mais je ne crois pas du tout que ça le soit.
GdG : Qu'avez-vous dit à vos électeurs pendant votre campagne ? Qu'avez-vous mis dans votre profession de foi ?
AP : J'ai dit et écrit qui faudrait "trouver une solution généreuse", "établir une paix juste".
Le Général esquisse un léger sourire : Vous ne vous êtes pas beaucoup avancé.
AP : Je ne m'y suis pas senti autorisé.
GdG : Je ne vous le reproche pas. Malheureusement, la plupart de vos collègues se sont crus autorisés, eux, à militer pour l'Algérie française et l'intégration ; et maintenant, ils voudraient m'imposer de tenir les engagements qu'ils ont eu la légèreté de prendre. De toute façon, l'Algérie française, c'est une fichaise et ceux qui préconisent l'intégration sont des jean-foutre. (…)
AP : Pourquoi n’avez-vous jamais utilisé ce terme (l’intégration ) ?
GdG : Parce qu’on a voulu me l’imposer, et parce qu’on veut faire croire que c’est une panacée. Il ne faut pas se payer de mots ! C’est très bien qu’il y ait des Français jaunes, des Français noirs, des Français bruns. Ils montrent que la France est ouverte à toutes les races et qu’elle a une vocation universelle. Mais à condition qu’ils restent une petite minorité. Sinon la France ne serait plus la France. Nous sommes quand même avant tout un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne. Qu’on ne se raconte pas d’histoires ! (…) Ceux qui prônent l'intégration ont une cervelle de colibri, même s'ils sont très savants. (…) Vous croyez que le corps français peut absorber dix millions de musulmans, qui demain, seront vingt millions et après-demain quarante ? Mon village ne s'appellerait plus Colombey-les-Deux-Eglises, mais Colombey-les-Deux-Mosquées ! »


Le 20 octobre 1959, enfonçant le clou :

Général de Gaulle : « Avez-vous songé que les Arabes se multiplieront par cinq puis par dix, pendant que la population française restera presque stationnaire ? Il y aurait deux cents, puis quatre cents députés arabes à Paris ? Vous voyez un président arabe à l’Elysée ? »


Alain Peyrefitte, C'était de Gaulle, tome 1, Ed. Fayard, 1994.

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11 août 2010

Festival d’incohérences et de contradictions sur le plateau de C dans l’air



Festival d’incohérences

et de contradictions


sur le plateau de C dans l’air



par


Alexandre Gerbi

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A l’occasion du défilé des troupes africaines sur les Champs-Elysées, le 14 juillet 2010, l’émission C dans l'air (sur France 5) proposa un numéro consacré aux « indépendances » africaines, intitulé France-Afrique : 50 ans plus tard.

A partir de la minute 34 (accessible à cette adresse : http://skydexter.free.fr/page.php?472), on assista à cet échange éminemment instructif entre le journaliste camerounais Louis-Magloire Keumayou et l’historien français Eric Deroo :

Louis Magloire Keumayou : La France ne peut pas dire qu’elle a octroyé les indépendances (…) Mais il y a eu une autre chose. Parce que, aujourd’hui, il y a un amalgame qui se fait sur le terme d’« indépendances » africaines. Moi je crois qu’il faut resituer les choses dans leur contexte et dans la vérité de l’Histoire. La première chose, c’est que les gens ne demandaient pas l’indépendance à cette époque-là. Ce qu’ils voulaient, c’était l’égalité de droit et l’égalité démocratique à l’intérieur de l’Empire colonial. C’est-à-dire qu’on reconnaisse à tous les citoyens qui étaient considérés comme des indigènes le droit d’être des citoyens au même titre que les Français qui étaient sur leurs territoires. Ça c’était le besoin primordial. (…) C’est après que le besoin d’indépendance est venu. Et là, c’est ce que je voudrais rectifier en disant : il y a eu un référendum qui a été organisé dans la plupart des pays (en 1958). Si vous reprenez les chiffres de ces référendums, je ne pense pas que sur les 14 pays, tout le monde ait voté OUI pour l’indépendance. Or à partir d’août (1960), (…) on a distribué comme des cadeaux ces indépendances-là. A ce moment-là, ça a été des distributions de prix. Mais avant, il était question simplement d’assurer une égalité de droit entre les tirailleurs et les militaires, entre les citoyens et les indigènes…

Eric Deroo : (…) La loi-cadre Defferre en 1956 est très clairement faite pour aller vers l'autonomie et, à terme, vers l'indépendance de l'Afrique. C'est faux de dire que la France octroie l'indépendance à contre-coeur (...). A telle enseigne qu'on crée (la même année, en 1956) l'EFORTOM (...), une école destinée à former des cadres militaires qui vont prendre les charges les plus importantes dans les futures armées nationales (...). D'ailleurs 14 officiers sortant de cette école seront chefs d'Etat dans leurs pays. Ca prouve bien qu’il y a un processus qui se met en place. La France a compris, après l’Indochine, et avec ce qui se passe en Algérie (que l’indépendance est inéluctable) (…).

Eric Deroo parvient donc à faire le grand écart, en admettant simultanément que l’Afrique a été délibérément larguée selon un processus conduit depuis la IVe République et achevé par Charles de Gaulle, tout en faisant droit à la thèse classique selon laquelle ce largage répondait… à la volonté des Africains et au « vent de l’Histoire » ! Ce qui est démenti par ce qu’avance Louis Magloire Keumayou qui rappelle à juste titre – sans d’ailleurs qu’Eric Deroo le contredise le moins du monde sur ce point – qu’au-delà des mouvements indépendantistes qui existaient, la majorité des Africains aspiraient non pas à l’indépendance, mais à l’égalité dans l’unité franco-africaine… Notons que Louis Magloire Keumayou se contredit lui-même, en affirmant que les indépendances n’ont pas été octroyées, en même temps qu’il dit qu’elles ont été imposées (« cadeau », « distribution de prix ») !

Pareilles contradictions, chez Deroo comme chez Keumayou, peuvent étonner un esprit cartésien. En réalité, elles s’expliquent par le fait qu’il est interdit de dire ce que l’un et l’autre sont en train de dire : ils le disent donc (l’indépendance fut imposée par l’Etat français), tout en faisant droit à la doxa (les Africains la souhaitaient). Quitte à tenir, dès lors, des propos parfaitement incohérents, parfois dans la même phrase… Mais l’essentiel est de ne froisser personne…

Cette incohérence flagrante, l’animateur, Thierry Guerrier, cherchera, en vain, de la lever, par cette question à Eric Deroo :

Thierry Guerrier : Monsieur Deroo, attendez… Ce que dit Monsieur Keumayou, si j’ai bien compris, c’est que certes, il y a ce processus (d’indépendance), mais qu’il est, je dirais, asséné d’en-haut, en quelque sorte, de Paris… Et que ce n’est pas forcément ce que souhaitent les peuples à l’époque, qui après tout, certains, seraient prêts à rester dans la Communauté, mais qui veulent simplement l’égalité des droits…

La réponse lapidaire et quelque peu bredouillante d’Eric Deroo, manifestement embarrassé, ne manque pas de sel :

Eric Deroo : Il y avait deux choses dans ce que disait Keumayou, effectivement. Il y a le fait que certains peuples qui, après tout, n’ont pas la mesure, du tout, de ce qui va leur arriver, d’ailleurs. Mais, en revanche, ce que je voulais un peu reprendre, c’est que, si, la France sait qu’on va aller vers l’indépendance des Etats africains, puisqu’elle met en place les structures pour ça…

A chacun d’apprécier la clarté du propos…

Relevons enfin, pour la bonne bouche, la remarque du journaliste de Libération, Jean-Dominique Merchet, qui, évoquant ce que nous avons appelé ailleurs l’« Affaire gabonaise », édulcore la vérité historique sous prétexte de la révéler :

Jean-Dominique Merchet : Une anecdote amusante, quand même… Il a été, à l’époque des indépendances, débattu au Gabon l’hypothèse que le Gabon devienne un département d’outre-mer, comme la Réunion, la Guadeloupe ou la Martinique. La question a été débattue, c’est-à-dire qu’on était dans des processus extrêmement différents de ce qui s’est passé en Algérie, au Maroc ou en Tunisie. (…) Imaginez que ce petit émirat pétrolier du Gabon soit devenu un département d’outre-mer français… La question s’est posée en ces termes… Je parle sous le contrôle de mon voisin…

Que cette anecdote soit amusante, c’est une question de point de vue… Au demeurant, Louis Magloire Keumayou et Eric Deroo se sont abstenus d’exercer leur « contrôle ». Il y avait pourtant matière à corriger les approximations de Jean-Dominique Merchet, puisque la demande de départementalisation ne se limita pas à faire l’objet d’un « débat » au Gabon. En effet, loin de rester une « hypothèse », la demande de départementalisation, décidée par le Conseil de gouvernement du Gabon en octobre 1958, fut bel et bien présentée par le gouverneur Louis Sanmarco, dépêché à cette fin à Paris, auprès du ministre de l’Outre-mer, Bernard Cornut-Gentille. Celui-ci, sur ordre du général de Gaulle, rejeta violemment la demande…

Dans son ouvrage Le Colonisateur colonisé, Louis Sanmarco explique :

« Le Conseil de gouvernement du Gabon choisit la départementalisation, et Léon (Mba) me chargea de négocier la chose avec Paris. (…) Je pensais bien être reçu comme un triomphateur qui ajoutait une perle de plus à la couronne. Je fus reçu comme un chien dans un jeu de quilles. Le ministre, Bernard Cornut-Gentille, fut même désagréable : « Sanmarco, vous êtes tombé sur la tête !... N’avons-nous pas assez des Antilles ? Allez, l’indépendance comme tout le monde ! »

Or, en refusant cette départementalisation, le gouvernement français ne se bornait pas à rejeter une lubie gabonaise. En effet, la demande de départementalisation présentée par le Gabon s’inscrivait dans le cadre de l’article 76 de la Constitution, qui prévoyait cette possibilité. En la refusant, le gouvernement français violait donc la Constitution…

Bien entendu, cet épisode de la « décolonisation » franco-africaine fut tenu secret pendant près de trente ans, puisqu’il n’a été révélé par Louis Sanmarco que vingt ans plus tard. Longtemps contesté par les historiens (car on voit bien que l’Affaire gabonaise ne cadrait guère avec la doxa officielle d’une Afrique collectivement avide d’indépendance et d’une France contrainte de la lui « octroyer »), l’épisode fut finalement confirmé par Alain Peyrefitte, dans C’était de Gaulle (Fayard, 1994) :

Général de Gaulle : « Au Gabon, Léon M'Ba voulait opter pour le statut de département français. En pleine Afrique équatoriale ! Ils nous seraient restés attachés comme des pierres au cou d'un nageur ! Nous avons eu toutes les peines du monde à les dissuader de choisir ce statut. Heureusement que la plupart de nos Africains ont bien voulu prendre paisiblement le chemin de l'autonomie, puis de l'indépendance. »

Les incohérences, les contradictions, les approximations, les réponses bredouillantes qui émaillèrent ce numéro de C dans l’air du 14 juillet 2010 sont à l’image de l’immense gêne et de l’ampleur des tabous qui entourent le Cinquantenaire des Indépendances africaines. Et de ses colossaux mensonges…

Bonnes vacances, et bonne bronzette à tous !

Alexandre Gerbi




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9 août 2010

Déchéance de nationalité : Crime contre l’Histoire, la Politique et le Droit



Déchéance de nationalité :

Crime contre l’Histoire,

la Politique et le Droit



par


Alexandre Gerbi

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Les Français d’origine africaine sont des Français à part entière. Pas seulement pour les raisons invoquées généralement. Aussi parce que les Africains ne cessèrent d’être Français, il y a un demi-siècle, que parce que l’Etat français leur refusa de l’être.

Après avoir combattu héroïquement pour la France pendant les deux guerres mondiales, la plupart des Africains aspiraient à l’égalité dans la fraternité avec leurs compatriotes métropolitains qui, d’ailleurs, y consentaient dans leur écrasante majorité, comme le prouvèrent les résultats du référendum consécutif à ce que nous avons appelé ailleurs « la Révolution de 58 ». En détruisant l’unité franco-africaine, en refusant l’égalité et la citoyenneté aux Africains, le Chef de l’Etat, Charles de Gaulle, trahit donc à la fois les Africains, les Métropolitains, l’Afrique et la France.

Il faut le rappeler avec force et inlassablement : être d’origine africaine en France aujourd'hui, c’est être d’une origine qui n’est étrangère que parce que la Ve République blanciste en décida ainsi, et l’imposa aux Africains.

Par conséquent, lorsque Nicolas Sarkozy prétend déchoir de leur nationalité française des citoyens d’origine africaine (car ce sont évidemment des citoyens d’origine africaine que cible, de fait, la mesure présidentielle), il s’apprête en réalité à renvoyer ces hommes à une citoyenneté qui n’est étrangère que parce qu’elle fut jadis voulue telle, et imposée comme telle, de façon antidémocratique et anticonstitutionnelle (Affaire gabonaise, 1958 ; Loi 60-525, 1960), à leurs parents et grands-parents.

De là, qui ne voit que le projet sarkozyen est à la fois scandaleux, odieux et monstrueux, en termes d’Histoire, de Politique et de Droit ?


Alexandre Gerbi




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6 août 2010

Sarkozy, BHL, la gauche française et le reste du monde ou Les grands prêtres du désastre



Sarkozy, BHL, la gauche française

et le reste du monde


ou

Les grands prêtres

du désastre





par


Alexandre Gerbi

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L'élection de 2012 sera marquée par une poussée sans précédent du Front National (FN). En tout cas, c’est ce que doit penser Nicolas Sarkozy, qui joue la carte de l’extrême-droite avec une force jamais vue. En dehors du gouvernement et des sphères lepéniste, nationaliste ou « identitaire », tout le monde s’accorde à reconnaître la proposition de déchéance de la nationalité comme monstrueuse, puisqu’elle revient à créer deux catégories de citoyens…

De la sorte, Nicolas Sarkozy n’est sans doute pas sûr de contenir l’hégémonie du FN sur sa droite ; peut-être risque-t-il même de l’accentuer. Mais il peut espérer, presqu’à coup sûr, gagner par l’écrasement de la gauche. En effet, en sortant la grosse artillerie ultra droitiste, il se donne les moyens de mettre en évidence l’indigence, la nullité, les impasses de la pensée du PS et des autres partis de l’opposition sur la brûlante question « immigration/insécurité », et surtout leur hypocrisie totalement déconnectée. De la sorte, Sarko espère tirer parti d’un contexte où l’électorat s’aperçoit comme jamais de l’immense péril des banlieues. Car malgré l’ampleur de la manipulation médiatique qui occulte depuis des lustres, autant que faire se peut, à la fois l’ampleur du danger et l’effarante situation où se trouve le pays, nul n’ignore aujourd’hui que des centaines de « cités » ou de « quartiers » sont sujets à l’ultraviolence, à l’obscurantisme politique et religieux, sur fond de haine de la France.

Quand le crime se greffe sur l’idéologie

Or, par bonheur, à l’heure qu’il est, toute la banlieue n’est pas entièrement frappée par les trois formes du péril. Une importante partie de la banlieue, y compris celle d’origine immigrée, résiste à ces diverses tentations. Malheureusement, l’idéologie officielle et plus généralement la structure politico-médiatico-intellectuelle française, issue de la Ve République blanciste en ses métamorphoses, est incapable de lui tendre la main, parce qu’elle est incapable de répondre à une crise dont le fondement est bien davantage idéologique (et non pas culturel, contrairement à ce que disait récemment Xavier Lemoine, maire UMP de Montfermeil) que social. Quant au crime, il se greffe simplement dessus, et y puise sa force, mise au service de ses trafics… Quoi qu’il en soit, le phénomène atteint un tel degré de développement que Bernard-Henri Lévy lui-même, dans une récente tribune dans le Monde, concède que « la guerre civile menace ». Et le « philosophe » de pointer les « trois erreurs de Nicolas Sarkozy ». A coup sûr, les innombrables fautes de BHL, dont l’ignoble Idéologie française (Grasset, 1981) et par la suite les intimes collusions et autres accointances avec le Système, de l’apologie de Sartre à celle de de Gaulle, des officines littéraires aux milieux d’affaires en passant par les réseaux et la police de la pensée, ne sont pour rien dans les malheurs actuels du pays…

Or précisément, pour endiguer la montée du danger et contrer l’avènement du désastre, il faudrait remettre en cause les fondements mêmes du régime qui l’a engendré. Il faudrait revenir sur les fonts baptismaux de la Ve République, à savoir le largage de l’Afrique et de ses populations, leur mise à distance et leur mise à l’écart, ce que nous avons appelé ailleurs l’apartheid gaullien, que permit la prétendue « décolonisation ». Il faudrait, pour ce faire, commencer par démystifier (démythifier) la figure du général de Gaulle, dont BHL comme Nicolas Sarkozy sont, justement, de grands thuriféraires. Il faudrait avouer le cauchemar atroce (ces mots sont pesés), tissé de trahisons extrêmes et de mensonges suprêmes, dans lequel un dangereux pervers nommé Charles de Gaulle fit, avec l’aide des Etats-Unis puis de l’Union soviétique, basculer l’Afrique et la France, et partant le monde, il y a cinquante ans. Las ! Allumer la télévision ou lire la presse française en l’an 2010 n’incite guère à penser que le déboulonnage de l’idole soit à l’ordre du jour…

Opportunisme sarkozyen

Alors Nicolas Sarkozy, entre son défilé africain du 14-Juillet sur les Champs-Elysées et ses trois semaines de vacances au Cap Nègre, s’en remet à l’idéologie officielle du régime. Il pose en demi-Français les Français d’origine dite « étrangère », alors que la plupart de ceux qu’il vise sont, de fait, originaires d’anciens territoires français, en particulier d’Algérie. Territoires qui furent délibérément abandonnés par le gouvernement du Général-Président il y a un demi-siècle, après moult mensonges et moult reniements. Pour éviter, à coups de massacres et d’assassinats, la « bougnoulisation » (sic) de la France, mais aussi pour organiser le très lucratif néocolonialisme.

Avec les affabulations complexes qui permirent de les tenir cachés, ces deux axes de la décolonisation, l’un secret, l’autre officieux, constituent trois sources majeures de la crise française qui se cristallise dans la crise des banlieues et de sa jeunesse, mais mine en réalité de fond en comble le pays tout entier. Car le largage « anti-bougnoulisation » fut, en plus d’une trahison des principes les plus hauts de la République, une mise au ban et une immense marque de mépris à l’égard des citoyens africains ; le néocolonialisme, une autre marque de mépris assortie d’un cynisme sans bornes à l’égard des Ultramarins, comme l’occasion d’une rapacité obscène ; le mensonge qui enroba le tout consista en un bourrage de crâne visant à détourner les Africains et les Maghrébins de la France, tout en leur donnant à croire que l’indépendance, le divorce étaient leur fait absolu. Ce dernier point, orchestré par une propagande internationale et planétaire (USA, URSS, Chine, Vatican, Ligue Arabe, etc.), a tellement bien fonctionné que toute la jeunesse française, en particulier celle des banlieues, croit, contre toute raison, que l’indépendance fut arrachée par les Africains, dont ils déduisent qu’ils n’aimaient pas la France, voire qu’ils la détestaient. Et ces jeunes et moins jeunes se réclament de leur exemple quand ils crachent sur la France, l’incendient, la mettent à sac ou la terrorise…

Rompre avec l’Histoire officielle

Si l’on veut espérer désamorcer la « haine » qui prospère en banlieue, il faut d’abord cesser d’instiller des mensonges criminels, des amnésies dans la tête de la malheureuse jeunesse. Lever ce qui bloque l’intégration et, pire encore, provoque un effet de « désintégration » – les jeunes des banlieues françaises sont, en moyenne, bien plus hostiles à la France que ne l’est la jeunesse des pays dont ils sont originaires. Voilà qui devrait clouer le bec à tous ceux qui invoquent je ne sais quelle origine « culturelle » à ces malheurs que nous connaissons. Mais pour en sortir, cela supposerait de rompre avec le système idéologique aux sources de ce phénomène, en particulier l’Histoire mensongère dont il se nourrit.

Rompre avec l’idéologie et l’histoire officielle du régime, ce serait aussi rompre avec l’inégalité qui fonda la Ve République après l’assassinat de la Révolution de mai 1958 et la destruction de l’unité franco-africaine, au gré de conceptions inacceptables de la francité, à des fins néocolonialistes comme on l’a vu et, en outre, selon des voies totalement illégales. Le gouvernement actuel, à l’instar de ses prédécesseurs giscardiens, mitterrandiens ou chiraquiens, affirme avoir déjà accompli cette révolution copernicienne. Les récentes menaces sur la nationalité brandies par Nicolas Sarkozy achèvent de démontrer, si l’on en doutait, que rien n’est moins sûr…

Ces choses ne sauraient surprendre, puisque pour rompre avec l’inégalité et le néocolonialisme à l’origine de la plupart de nos maux, rompre avec les mensonges de l’Histoire impliquerait, d’abord, de mettre en lumière les fondements du Système qui nous a conduits jusqu’ici. Or on ne le fait pas. Bien au contraire, à droite comme à gauche, chez Nicolas Sarkozy ou Bernard-Henri Lévy aussi bien que du côté des socialistes, des communistes ou des Verts, sans rien dire des trotskystes infiltrés un peu partout, on persiste à nier l’Histoire occultée de la décolonisation franco-africaine, tout en se prévalant perpétuellement d’un confortable antiracisme de salon. A telle enseigne que jamais le moindre bémol n’est apporté au panégyrique permanent et polymorphe dont la figure de Charles de Gaulle fait l’objet, en dépit de tout ce qui devrait, pour le moins, inspirer quelque modération. Au contraire, chacun y va de son petit couplet extatique ou, les jours modestes, laudateur. Jusqu’à Marine Le Pen.

Il est grand temps, pourtant, que la vérité soit dite. Car après l’Afrique, la France menace de succomber aux mensonges, de se déchirer sous le souffle délétère de l’absolu crime d’Etat qu’accomplit le général de Gaulle, avec l’aide de ses alliés de tout bord, entre 1959 et 1962.

Mais pour expliquer tout cela, pour ouvrir une si gigantesque et vertigineuse boîte de Pandore, il faudrait beaucoup, beaucoup de temps, beaucoup, beaucoup de patience et surtout beaucoup, beaucoup d’humilité et de grandeur d’âme. Toutes choses qui font cruellement défaut au Système autant qu’à ses grands prêtres, tels ci-devant Nicolas Sarkozy, Bernard-Henri Lévy et la sinistre gauche française. Et le reste du monde.



Alexandre Gerbi




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