3 nov. 2010

Haïti ou Le martyre de la France nègre

Dix mois plus tard...





Haïti

ou

Le martyre de la France nègre




par


Alexandre Gerbi





En janvier dernier, le hasard a voulu que je sois invité sur RFI le jour du tremblement de terre à Haïti. C’est en arrivant dans la grande maison ronde que j'appris l’événement.

Comme je m'installais dans les moelleux fauteuils du studio capitonné, le journal fit état du désastre, de Port-au-Prince pour ainsi dire anéanti, des innombrables victimes sous les ruines et des solidarités internationales qui se bousculaient au portillon.

Face à Alain Foka qui me demandait de réagir « à chaud », effaré par ce que j'entendais, je parvins à bredouiller au micro que le peuple haïtien était un peuple martyr devant les siècles, et que j’attendais de voir en acte les belles paroles du monde. Habitué que je suis par l’Histoire aux promesses sans suite, aux mépris, aux trahisons,
aux abandons, aux crimes.

Dix mois et quelque 300.000 morts plus tard, tandis que le choléra s’abat à présent sur l’ancienne Saint-Domingue française, je constate que j’avais malheureusement raison de douter alors des belles paroles du monde. On est bien loin de la puissante solidarité annoncée, dont le peuple haïtien avait besoin non seulement pour surmonter l’épreuve commencée le 12 janvier 2010, mais aussi pour échapper à un malheur qui l'accable depuis des siècles, et dans lequel la France et les Etats-Unis portent une lourde responsabilité.

Je regrette de n’avoir pas eu le nerf, à l’époque, de rappeler qu’Haïti fut un jour la France nègre, assassinée par Napoléon Bonaparte. Malgré un génie nommé Toussaint Louverture, immense héros français, véritable mythe dont l'Histoire se nourrit, défenseur de la République française, père de l’indépendance haïtienne, et martyre de l’universalisme humain assassiné. Ni de rappeler l'écrasant tribut imposé à l'île par Charles X. Enfin, de pointer l’obsession états-unienne,
vieille démangeaison anglo-saxonne, d’éradiquer les racines françaises d’Haïti en même temps que de chasser la France le plus possible d’Amérique, qui firent le reste.

A l’heure qu’il est, officiellement, la Ve République blanciste continue de nier qu’elle largua l’Afrique il y a cinquante ans pour, selon Charles de Gaulle, éviter la « bougnoulisation » et l’islamisation de l’Hexagone... et par-dessus le marché, organiser le néocolonialisme, avec la complicité du monde, et en particulier des Etats-Unis. D’ailleurs, sous le règne de son héritier Sarkozy, l’Année de l’Afrique est passée à la trappe (remplacée par l’Année de la Russie...), tandis que le Cinquantenaire des indépendances africaines (1960-2010), dirigé par le très transparent et polymorphe Jacques Toubon, ne sert à rien, sinon à aggraver un peu plus, si c’est possible, le cas de la France sur les chapitres africain et nègre.

Haïti souffrante et agonisante n’est qu’un tragique symbole de cette France nègre assassinée par l’Etat français gaullo-bonapartiste, avec la bénédiction et l’appui des USA naguère encore négriers et/ou racistes…

Quand Nicolas Sarkozy et Barack Obama, sur ce point comme sur tant d’autres, n’en finissent pas de marcher sur les traces de leurs prédécesseurs...



Alexandre Gerbi





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