27 déc. 2010

Irresponsabilité internationale en Côte d'Ivoire






Irresponsabilité internationale

en Côte d'Ivoire


ou

De l'utilité de marcher sur la tête




par

Alexandre Gerbi




D'ores et déjà, et d'ailleurs depuis bien des années, le sang coule en Côte d'Ivoire.

De toute évidence, la Côte d'Ivoire est un sac de noeuds. Indépendamment du récent micmac électoral où bien malin qui peut affirmer où est la vérité, la situation générale du pays est explosive. Parce que ce pays est en pleine mutation démographique, le Nord débordant un Sud traditionnellement maître du jeu politique. Phénomène dont il résulte, nécessairement, de fortes tensions. Or les deux camps sont à présent, jusqu'à preuve du contraire, équilibrés en forces. Les ingrédients sont donc réunis pour un choc important et, il faut le craindre, durable.

Dans pareilles conditions de fait, le minimum que l'on pouvait attendre de la communauté internationale, en particulier de la France avec ses innombrables et infâmes casseroles "françafricaines" (je préfère dire "néocolonialistes", le terme me semblant plus juste), c'était une bienveillante et prudente neutralité, conforme au principe de non ingérence, mais aussi, aux grandes déclarations de Nicolas Sarkozy sur la fin du système françafricain.

La France, acteur majeur et traditionnel du Continent et en particulier de la sous-région, aurait dû inciter le reste du monde à promouvoir le dialogue entre les deux (ou trois...) parties qui se disputent, y compris par les armes, le pouvoir depuis dix ans. Face des Etats-Unis favorables à Alassane Ouattara et prêts à tout pour l'aider à accéder au pouvoir, la France aurait dû afficher une parfaite, mais dynamique, neutralité.

Au lieu de cela, avec la communauté internationale (ou plutôt l'Occident, ses organes et ses vassaux), la France appuie à fond Ouattara, condamne et menace Gbagbo, et pousse, ce faisant, depuis des jours, le premier et ses partisans à l'offensive contre ce dernier, avec les immenses risques d'escalade, finalement de guerre civile et peut-être, à terme, de partition définitive du pays. Et voici que maintenant, la CEDEAO elle-même, évidemment liée à la France et aux Etats-Unis, envisage d'intervenir militairement...

Quels que soient les moyens choisis, si la guerre civile ou la guerre tout court (ou les deux mon capitaine) qu'on nous annonce en Côte d'Ivoire devaient finalement avoir lieu, si le bilan devait se chiffrer en milliers, en dizaines de milliers de victimes voire davantage, la Communauté internationale n'en portera-t-elle pas une responsabilité majeure?

Sans en conclure pour autant, bien évidemment, que Laurent Gbagbo est un saint homme (combien de morts a-t-il sur la conscience ?) ou qu'Alassane Ouattara n'est pas le vainqueur des élections (l'alliance avec Henri Konan Bédié ne lui a-t-elle pas assuré une majorité plausible ?), est-il si compliqué de constater qu'au-delà des voeux pieux et autres professions de foi en faveur de la démocratie, la situation générale et objective (et, pour le coup, bien réelle...) du pays est complexe autant qu'explosive, et que c'est surtout du dialogue en vue d'un gouvernement d'union nationale que la Côte d'Ivoire a besoin ?

Au lieu de pousser au crime Ouattara et Gbagbo ainsi que leurs partisans, pourquoi ne pas les inciter à l'entente ? D'autant que la pression internationale exercée sur Gbagbo a eu, tout de même, pour effet positif de pousser l'intéressé à ouvrir le dialogue avec son adversaire... Pourquoi la communauté internationale n'a-t-elle pas, à l'instar du Vatican, saisi la balle au bond ?

Pendant cinq ans, ne serait-il pas utile de travailler à la stabilisation du pays sur fond d'apaisement et de réconciliation nationale, au profit de son développement économique et social, tout en préparant des élections pour 2015 dans des conditions, enfin, de parfaite transparence?

Sur le chemin de la démocratie, est-on à donc à cinq ans près, quitte à provoquer un désastre ?

Mais il faut croire qu'il est bien utile à certains de marcher sur la tête...


Alexandre Gerbi






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1 Comments:

At 28/12/10 20:01, Blogger Sophie de Clauzade said...

Je suis bien d'accord avec cet avis : sans vouloir répéter vos propos, forte de mes très petites connaissances de l'Afrique et au vu de l'apparition d'homme visiblement accablé du président Gbagbo, il semblerait possible de favoriser le dialogue que ce dernier proposait d'ouvrir dans sa précédente prise de parole.

 

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