24 mars 2010

Décolonisation : « Droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » théorique et déni démocratique bien réel

Dans le cadre du Cinquantenaire
des Indépendances africaines...




Décolonisation :


« Droit des peuples

à disposer d’eux-mêmes »

théorique

et déni démocratique bien réel



par


Alexandre Gerbi

.


A Gilbert Comte et à Samuel Mbajum


Appréhender l’histoire de la décolonisation française sans idée préconçue, c’est découvrir la trajectoire d’un pays qui se désagrégea par refus du métissage et appât du gain. Ou, si l’on préfère, qui mourut du refus de la métropole d’accorder l’égalité politique réelle aux populations d’outre-mer, et préféra s’en débarrasser.

Pareil état de fait devrait scandaliser tout esprit républicain attaché à l’expression démocratique, en particulier tout esprit de gauche. Or il n’en est rien. Pourquoi ?

C’est qu’il est difficile, voire impossible pour beaucoup de nos contemporains, d’envisager les choses sous cet angle. L’origine de la difficulté, ou plutôt du blocage, sont multiples. Nous essaierons de les envisager une à une, malgré leurs entrelacements.

*
* *

Parmi l’éventail des leurres qui brouillent le jugement sur la décolonisation, il en est un crucial : le « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ».

Celui-ci permit à la fois de justifier et de maquiller en victoire démocratique et humaniste inscrite dans « le sens de l’Histoire », ce qui fut en réalité un dégagement répondant à des considérations raciales, civilisationnelles et financières.

La dimension populaire et démocratique, voire spontanée, de la « marche des peuples vers l’indépendance » fut la grande raison toujours invoquée pour justifier, parfois en toute bonne foi, un processus qui consista fondamentalement en la mise à l’écart et à la neutralisation démocratique des populations africaines, leur assujettissement et la vassalisation de leurs Etats, enfin la mise en coupe réglée de leurs territoires.

Or au-delà des affirmations et des slogans, qu’en fut-il concrètement du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » ?

A travers tout le domaine ultramarin de la France, seuls deux territoires firent l’objet d’un référendum d’autodétermination sur la question de la sécession : le petit comptoir de l’Inde Chandernagor en 1949, et l’Algérie en 1962. Dans les deux cas, les référendums furent organisés dans des territoires déjà investis, depuis plusieurs mois, par les troupes « adverses », avec le consentement des autorités françaises. Les résultats en portent les stigmates : 99% de OUI à Chandernagor pour la sortie de l’Union française en 1949, 99,72% de OUI en Algérie en 1962 pour l’indépendance. Partout ailleurs, de l’Indochine à l’Afrique en passant par les quatre autres comptoirs de l’Inde française, aucun référendum ne fut organisé. Tous les territoires accédèrent à l’indépendance sans que les populations soient consultées. En d’autres termes, la Constitution, qui exigeait que les populations se prononcent, fut chaque fois contournée, transgressée ou violée.

A examiner les faits de plus près encore, c’est-à-dire en allant se faufiler dans les coulisses du pouvoir, là où l’on parle sans souci des micros et de leurs fâcheux échos, ce que permet en particulier le trop méconnu C’était de Gaulle d’Alain Peyrefitte (Fayard, 1994), on découvre que l’indépendance fut imposée par le gouvernement métropolitain dans des conditions antidémocratiques, au gré de considérations civilisationnelles (notamment religieuses, l’Islam étant perçu comme un extrême danger), raciales, et enfin financières.

Car bien davantage que l’indépendance, ce que réclamaient les Ultramarins, c’était l’égalité. Tel était le grand problème. A Paris, chacun le savait et feignait de ne pas s’en apercevoir. Bien entendu, face aux journalistes sagement assis en conférence de presse, le « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », bien que perpétuellement bafoué, servait de justification autant que de paravent…


*
* *

Il n’est pas si banal, dans l’histoire du monde, de voir un pays abandonner volontairement des territoires et des populations. A fortiori quand ceux-là représentent plus des neuf dixièmes de sa superficie totale, et quand celles-ci représentent les trois quarts de sa population totale – et à terme encore davantage.

Ce processus étonnant – et majeur, puisqu’il concerna l’une des principales puissances d’Europe et la moitié d’un continent, l’Afrique – put avoir lieu à condition que se conjuguent de puissants facteurs. On sait, en particulier, le rôle que jouèrent dans cette affaire les Etats-Unis et l’Union Soviétique. Or leurs relais en France étaient nombreux, dans la classe politique, les syndicats et les milieux intellectuels. En dépit de leur antagonisme sur d’autres sujets, l’ensemble de ces forces jouèrent un rôle important, et convergèrent pour le « largage » de l’Outre-Mer français.

Justifiées par d’honorables motifs dont en particulier le « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », la décolonisation prônée par les Etats-Unis et l’Union Soviétique répondait évidemment à de tout autres objectifs. Sortis grands vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale, Etats impérialistes et volontiers oppresseurs de leurs propres minorités, « démocraties » guère pluralistes (dangereux d’être communiste aux USA, dur-dur d’être capitaliste en CCCP…), tous deux cherchaient à faire reculer leurs rivaux communs à l’échelle planétaire, au nom, respectivement, des idéologies dites « libérale » ou « socialiste ». La France faisait évidemment partie de leurs principaux rivaux à terme, dans tous les domaines, économique, politique, culturel, idéologique... Or le choc de deux guerres mondiales consécutives, dont la dernière tout récemment, laissait la France momentanément très affaiblie. Le moment semblait venu de peser le plus possible, en profitant de l’occasion pour l’abattre. Mieux encore, son démembrement marquerait l’ouverture possible de nouvelles zones d’expansion…

Dans ce contexte où la pression s’exerçait officiellement, à l’extérieur comme à l’intérieur de l’Hexagone, en vertu de nobles et généreuses causes, dans les faits à des fins âpres et peu soucieuses de la vie humaine et de son bien-être, l’Outre-Mer français joua sa partie, en réclamant l’égalité politique.

Le programme affiché par les Ultramarins, en particulier par les Africains, retentissait comme un cri : l’égalité ! pour bâtir avec la métropole une grande République égalitaire et fraternelle, où les cultures, au lieu de s’affronter, de se dénigrer ou de se nier absurdement, se fécondent et s’enrichissent mutuellement.

Telle était la vision politique avant-gardiste défendue par la plupart des Africains à la Libération et dans l’immédiat après-guerre. Or ce projet suscita chez les hommes politiques métropolitains les plus extrêmes réticences. Certains craignant ouvertement que la France devînt la « colonie de ses colonies » (Edouard Herriot).

Entre 1945 et 1958, chez les représentants politiques africains, face aux frilosités métropolitaines aux insoutenables relents, par pragmatisme autant que par amour-propre, les schémas évoluèrent globalement du jacobinisme vers le fédéralisme, voire vers le confédéralisme. Une évolution qui bénéficia, bien entendu, du bienveillant assentiment des milieux politiques métropolitains…

Au demeurant, pendant la période, en Afrique subsaharienne, en dépit d’une surenchère autonomiste provoquée par l’attitude métropolitaine et encouragée par elle, l’indépendantisme ne fut invoqué qu’à titre de menace (comme chez Senghor par exemple, chez qui elle fut toujours un choix par défaut, voire par dépit). A condition d’excepter, bien entendu, la frange communiste africaine, puisque celle-ci était soumise, par le PCF et la CGT, à l’influence de Moscou aux intérêts bien compris. Au reste, l’influence communiste demeura, en Afrique subsaharienne, minoritaire à peu près partout, et jamais suffisante pour se constituer en maquis armé. A l’exception du Cameroun, territoire sous mandat, avec l’UPC ; encore Ruben Um Nyobè justifiait-il son engagement initial par le refus de la France d’accorder les mêmes droits aux Camerounais et aux Français…


*
* *

Sans qu’il faille évidemment s’en étonner, il est frappant d’observer qu’entre 1945 et 1958, jamais la question de l’instauration de l’égalité politique ne fut posée au peuple, pas plus aux populations métropolitaines qu’à celles de l’Outre-Mer.

Sous la IVe République, à la quasi-absence de référendums sur l’autodétermination des populations d’outre-mer répondit l’absence de référendum sur l’octroi de l’égalité politique aux populations d’outre-mer posée (ou plutôt pas posée !) aux Métropolitains. Il était bien sûr malaisé, pour la classe politique métropolitaine, de demander leur avis à des populations ultramarines qu’elle voulait abandonner contre leur gré… De même qu’il lui était délicat de consulter un peuple métropolitain dont elle n’approuvait, sur ce point précis, ni les convictions ni les choix…

En effet, les enquêtes d’opinions de l’époque laissent à penser que si la question avait été posée aux Métropolitains, ceux-ci auraient majoritairement approuvé l’octroi de l’égalité politique pleine et entière aux Ultramarins, conformément d’ailleurs à l’esprit de la Constitution de 1946 et de la Révolution française. De fait, en 1958, consacrant la naissance de la Ve République, les Français approuvèrent à 80% le projet du nouveau régime, dont la caractéristique majeure et « fondatrice » était l’octroi de l’égalité pleine et entière aux Algériens, enfin accordée après quelque 130 années de colonisation et plus de trois ans d’une guerre abominable. Ainsi 47 députés arabo-berbères prirent place au Palais-Bourbon, fait aujourd’hui bien oublié... Pour la première fois dans l’Histoire de France, un groupe de populations d’outre-mer était représenté à l’Assemblée nationale en proportion de son poids démographique. Il s’agissait ni plus ni moins que d’une révolution…

Selon toute vraisemblance, si les populations ultramarines avaient été librement consultées, elles auraient pour la plupart approuvé, comme l’écrasante majorité de leurs leaders, Félix Houphouët-Boigny, Léopold Sédar Senghor, Léon Mba, Hamani Diori, Lamine Guèye, Ahmed Sékou Touré, Modibo Keita, Barthélémy Boganda, etc., la création d’un ensemble franco-africain républicain, égalitaire et fraternel. On sait que les populations africaines ne furent d’ailleurs pas consultées, puisqu’à la veille des indépendances africaines, la très méconnue Loi 60-525 (mai-juin 1960) permit, au prix d’une quadruple violation de la Constitution qui provoqua de sérieux remous à l’époque, de déposséder la totalité des populations d’Afrique noire du droit à l’autodétermination sur la question de l’indépendance. On sait aussi que dès octobre 1958, le gouvernement français avait refusé la départementalisation au Gabon, en violation de l’article 76 de la Constitution. L’épisode demeura longtemps un secret d’Etat, et ne fut finalement révélé que vingt ans plus tard par l’un de ses principaux protagonistes, l’ancien gouverneur Louis Sanmarco, et confirmé ultérieurement par le Mémorial du Gabon et par Alain Peyrefitte.

Si le petit Gabon (à peine 400.000 habitants à l’époque) en était arrivé à espérer pouvoir obtenir ce que seules les Quatre Vieilles (Guadeloupe, Martinique, Guyane et Réunion) étaient parvenues à arracher de haute lutte en 1946, c’est qu’en mai-juin 1958, avait eu lieu une révolution qu’il faut bien dire incroyable, et aujourd’hui oubliée…


*
* *

Cette révolution, cette « République de 58 » fut portée par le général de Gaulle. Elle était d’ailleurs conforme à l’histoire de la France et à son idéologie officielle, comme en écho à la Révolution française dont elle était une forme d’accomplissement tardif. La France, grosse de ses populations africaines, en tenant enfin les promesses qu’elle avait toujours faites, assumait soudain son modèle et lançait du même coup à la face du monde comme à elle-même un défi sans précédent. Une sorte d’« antinazisme » en avance de plusieurs décennies sur tous ses rivaux, en particulier les Etats-Unis, encore quant à eux à l’âge de la ségrégation. Dix ans plus tard, à Mexico, les athlètes noirs américains lèveraient toujours un poing ganté.

Cette nouvelle révolution française ne tenait pas du hasard : la France avait, de longue date, au-delà des belles promesses, fait une place aux Nègres dans ses assemblées et ses gouvernements. Parfois au plus haut niveau, comme avec Gaston Monnerville, président du Sénat, ou Félix Eboué, gouverneur de l’AEF.

Or l’octroi de l’égalité politique – pierre de touche du passage de l’Etat colonial à l’Etat républicain – induisait le passage à l’Etat multiracial, et à terme le métissage à grande échelle de la France et de son personnel politique, avec à la clef un Africain à la tête de l’Exécutif. En outre, l’opération, en plaçant le pouvoir du bulletin de vote, sans restriction, entre les mains des citoyens ultramarins, menaçait directement le colonialisme, ses exploitations et ses crimes.
On le devine, de telles perspectives inquiétaient dans certains milieux français, et à vrai dire dans tous les états-majors politiques, de droite comme de gauche. Car pas plus qu’ailleurs, le racisme et l’appât du gain en France ne sont le monopole de la droite…

Coule de source le parti que les Etats-Unis et l’Union Soviétique purent tirer de telles convulsions. On sait comment leurs réseaux, de l’ONU aux grands-messes des « Non Alignés » en passant par leurs chantres et adeptes français, servirent l’issue finale : la liquidation de l’ensemble franco-africain, sous le prétexte très officiel et noble du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ».

Nous n’avons pas ici la place d’étudier tous les méandres qui, sous les feux de la rampe et dans l’ombre du pouvoir parisien, conduisirent au démantèlement de l’ensemble franco-africain. Il convient toutefois d’insister, en rappelant que la révolution égalitaire eut bien lieu en France, en mai-juin 1958, et que nous touchons là au cœur du second problème.


*
* *

1958-1962 est la chronique d’une révolution qui répondait au vœu des Ultramarins et du peuple français, qui eut bien lieu, fut démocratiquement approuvée, et fut ensuite assassinée.

Car en lieu et la place de la révolution de 1958 triompha une véritable contre-révolution, marquée par de terrifiantes régressions. Grâce à la collusion d’une grande partie de la classe politique, et de la volonté d’un homme « hors norme » : Charles de Gaulle.

L’extrême gravité, l’exceptionnelle ampleur de ce scandale impose encore aujourd’hui l’omerta. Deux ou trois tours de passe-passe, dont l’usage trompeur du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » est l’un des exemples éclatants, servent d’écran de fumée. Dans cet esprit, on évite de revenir sur ce qui s’est réellement passé à l’époque. Sur le chapitre, quelques clichés et beaucoup d’amnésie tiennent lieu de mémoire collective. Signe des temps, le cinquantenaire de la Ve République, en 2008, a été commémoré sur la pointe des pieds. Car à force, même si on ne veut pas savoir, on sait. Au reste, en l’an 2010, dans les coulisses des appareils, de l’Elysée au Colonel Fabien ou rue de Solférino, ont cours des formules telles que : « C’est vrai que l’indépendance fut imposée aux Africains, mais on ne peut pas le dire. » Parole d’orfèvre quand le silence est d’or…

En mai-juin 1958, et dans les mois qui suivirent, la révolution égalitaire eut lieu. Portée par le général de Gaulle appuyé sur l’armée, au prix d’un quasi coup d’Etat militaire. Investi par la force, de Gaulle fut triomphalement élu sur le programme de l’Intégration, annoncé par ses soins, non sans emphase, à Alger et à Mostaganem, devant des foules en délire. C’est que pour justifier son retour aux affaires et le moyen employé pour y parvenir – le coup d’Etat – de Gaulle ne pouvait que se réclamer d’un programme hautement démocratique et républicain : ce qu’il fit.

Le programme que de Gaulle affirmait vouloir appliquer rejoignait, à trois ans de distance, les conclusions énoncées par Claude Lévi-Strauss dans Tristes Tropiques (1955) et défendues par son ami Jacques Soustelle. Celui-ci, ancien militant anti-fasciste et anti-raciste dans les années 1930, ancien de la France libre, ethnologue de réputation internationale, grand gaulliste de gauche, fut nommé gouverneur général d’Algérie sous le Ministère Mendès France, en 1955. Ainsi l'ami de Lévi-Strauss et de Germaine Tillion posa en Algérie les premiers jalons de l'Intégration, futur programme du Général en 1958. Soustelle, aujourd’hui, fait figure de fasciste, au même titre que Georges Bidault, ancien successeur de Jean Moulin à la tête du CNR pendant la Résistance. Il est vrai que tous deux firent partie des rares hommes politiques français qui s’opposèrent à de Gaulle…

Ce premier programme de la Ve République que Soustelle et Bidault défendirent jusqu’à l’exil valait bien, du reste, celui que de Gaulle appliqua finalement…

Ne serait-ce parce que ce premier programme avait le mérite de répondre à la principale revendication des populations africaines, y compris algériennes, à savoir l’égalité dans la fraternité, dont le refus par l’Etat français avait poussé certaines d’entre elles, en particulier l’algérienne, à s’engager dans la lutte armée. Au demeurant, parmi les sympathisants indépendantistes, nombreux auraient volontiers troqué l’indépendance contre l’égalité, encore en 1958. C’est ainsi que la Casbah d’Alger, le 16 mai 1958, avait rallié le mouvement lancé le 13 par les Pieds-Noirs sous l’œil bienveillant de l’armée. Par la suite, on dénonça une manipulation des militaires (qui avaient effectivement joué les émissaires dans la Casbah), tandis que sur ce mouvement de fraternisation, bien réel, vacillait non seulement le destin de l’Algérie, mais aussi celui de tout l’ensemble franco-africain. Comme l’expression soudaine d’un murmure profond et ancien. Ce que la République avait toujours promis et n’avait jamais su tenir, voici que la France, par de Gaulle, s’engageait solennellement à l’accomplir, à la faveur des fraternisations des populations et du soulèvement de l’armée !

Mais le miracle n’en était pas un : l’officier de filiation « nationaliste et conservatrice voire monarchiste », admirateur de Maurras et grand lecteur de Barrès, comptait faire l’exact contraire de la révolution égalitaire interraciale et multi-civilisationnelle qu’il annonçait. Les « Arabes » et les « Nègres » à ses yeux ne pouvaient être « Français », incompatibles comme huile et vinaigre. Il leur promettait monts et merveilles fraternelles pour se les mettre dans la poche, en même temps que l’armée et le reste du pays. Pour mieux n’en faire qu’à sa tête, puisqu’il se pensait mieux placé que quiconque pour juger de l’intérêt, et de l’identité, de la France.

Elu triomphalement sur le programme de l’Intégration, c’est-à-dire de l’égalité politique pleine et entière aux Algériens dans le respect de la personnalité musulmane, De Gaulle tissa dès lors patiemment sa toile.

Cachant son jeu, brouillant les pistes, maniant à l’envi mensonge et double langage, il fit progressivement volte-face, insinuant le doute puis la peur parmi les populations algériennes. Pour ce faire, il détruisit méthodiquement l’ensemble franco-africain, l’Afrique noire servant finalement de levier pour extirper le cas algérien. En liaison continue avec les Etats-Unis (le contact ne fut jamais rompu entre de Gaulle et les Américains, depuis la guerre jusqu’en 1958 ; revenu au pouvoir, il leur rendit compte régulièrement de l’avancée de ses « travaux »), puis avec l’appui des Soviétiques et surtout de leurs relais en France, sous le regard vigilant de l’ONU, il musela les populations, au besoin les terrorisa, dans le droit fil de la IVe République, avec la complicité active ou passive de la classe politique métropolitaine qui en était issue. Last but not least pour ce qui est de convaincre les milieux autorisés et les foules, une grande partie de l’intelligentsia française, libérale, communiste ou catholique, soudain beaucoup moins regardantes en matière de droits de l’homme et de « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » (sans pour autant cesser de s’en réclamer), lui prêta main-forte. Le tout à grand renfort de propagande et de manipulations parfois sanglantes, et de vent de l’Histoire soufflant depuis Washington et Moscou, en passant par Le Caire et Pékin.

Sans doute eût-il fallu destituer le président de la République, puisqu’en détruisant l’ensemble qu’il avait promis de maintenir, il trahissait radicalement le mandat reçu du peuple, en piétinant pour y parvenir la démocratie et la Constitution, les principes les plus fondamentaux de la République, après avoir fait un coup d’Etat militaire.

Or on sait qu’il n’en fut rien. De Gaulle ne fut pas destitué. Au contraire, il fonda un nouveau régime, qui est encore le nôtre aujourd’hui.

Evidemment, depuis cinquante ans, le système a, du moins officiellement, connu son chemin de Damas sur le chapitre raciste. Aucun mérite à cela, même les Etats-Unis, qui partaient pourtant de fort loin, se sont fait un président noir, ou supposé tel. Mais au-delà de ses métamorphoses ou de ses liftings, le système fondé il y a cinquante ans a survécu jusqu’à nous, et partage avec lui-même ses petits secrets et ses tabous.

Au cœur du non-dit, l’assassinat de la Ve République égalitaire par son double inversé, la Ve République blanciste, qui bien qu’ayant toutes les caractéristiques d’un fascisme français – un fascisme « mou » – accusa ses adversaires d’être collectivement des fascistes... La puissance et la diversité de ses soutiens et alliés objectifs rendirent cette rhétorique efficace, en France comme à l’étranger. Dans pareil étau, l’unité franco-africaine égalitaire, la grande thèse défendue par les Africains et l’avant-garde de l’école anthropologique française, fut définitivement contrée. La puissance de l’anathème et du manichéisme, au service en dernière analyse de l’inversion des rôles, s’ajoutant à l’habileté, à la duplicité, au cynisme, à la détermination mais aussi au prestige de l’« Homme du 18 juin », du « plus illustre des Français », conduisirent à sa victoire finale de son projet, c’est-à-dire au comble de la transgression politique.


*
* *

Nous touchons ici au cœur de l’inavouable, de l’inassumable. Nous touchons à l’impossibilité du dire que nous évoquions plus haut.

Faut-il s’étonner que pareils motifs et collusions se soldèrent par une vaste régression démocratique, sociale, économique au sud de la Méditerranée, selon un apartheid organisé à l’échelle intercontinentale, l’ensemble franco-africain continuant d’être, en grande partie, téléguidé depuis l’Elysée ?

Contenu dans l’idée même de la prétendue « décolonisation » gaullienne, le néocolonialisme était né, aux dépens d’une Afrique transformée en ring d’affrontement de tous les appétits, dont ceux, sans surprise, des Américains et des Soviétiques ou de leurs amis ou alliés.

Mais si le contexte international pesa de tout son poids, son importance ne doit pas être exagérée.

Avant tout, le largage de l’Afrique ne fut rendu possible que par les efforts conjugués de la classe politique métropolitaine, en particulier d’une gauche fourvoyée car aveuglée et manipulée (et méconnaissant souvent profondément l’Afrique), au mépris de populations muselées, dont il fut finalement convenu d’affirmer qu’elles souhaitaient ardemment l’indépendance, ou qu’elles le devaient. Tout fut mis en œuvre dans ce sens, notamment en termes de propagande.

Par la suite, une fois le largage accompli, il fallut conjurer tout retour à une revendication d’unité franco-africaine. Plus que jamais, on martela que l’indépendance avait été le fruit de l’ardente volonté des peuples, au nom du « droit de peuples à disposer d’eux-mêmes », bien que ceux-ci ne furent pour ainsi dire jamais consultés. De la période coloniale, on brossa de plus en plus un tableau apocalyptique, pour justifier la soif d’indépendance. Or si l’histoire coloniale française avait eu son lot d’abomination et de crime contre l’humanité, si elle avait charrié le mépris du Nègre et, nous l’avons vu, le déni démocratique plus souvent qu’à son tour, elle pouvait aussi s’enorgueillir d’avoir simultanément proclamé la dignité de l’homme noir, en allant jusqu’à lui donner accès aux plus hautes fonctions politiques – ce que la France actuelle, qui juge si impitoyablement cette France ancienne, est bien incapable de faire. Et pour cause…

Le système tout entier de la Ve République blanciste s’est construit autour de ce mensonge fondamental aux conséquences vertigineuses.

Comment restituer l’enfer de misère, de souffrance, de tragédie, de terreur parfois, que connurent, hier comme aujourd’hui, des millions d’hommes à travers les dizaines de pays anciennement colonisés par la France ?

Comment décrire les ravages de l’histoire fictive qu’on raconte depuis des décennies à la jeunesse pour noyer le poisson ? La jeunesse française d’origine africaine peut-elle aisément aimer un pays dont on lui répète que ses arrière-grands-parents le détestaient et voulurent à toute force s’en séparer, après qu’il les eut patiemment écrasés et relégués au rang de bête ? Quand les zoos humains, la guerre d’Algérie et la torture effacent définitivement Lyautey, les Quatre Communes et Gaston Monnerville.

C’est l’ampleur du désastre autant que les culpabilités et la perversité des mensonges qui embarrassent les responsables (et nous avons ci-devant la totalité de la famille politique française, de l’extrême-gauche à l’extrême-droite en passant par le centre, intellectuels compris), faites de complicité ou d’aveuglement, et rendent l’aveu indicible.

Car au fond, ce sont les plus hauts principes auxquels nous sommes tous attachés, et qui furent longtemps l’apanage de la France : liberté, égalité, fraternité, démocratie et esprit républicain, rejet du racisme, laïcité, bref une précieuse idée de l’humanisme et des Lumières, qui furent ensemble sacrifiés par la « décolonisation » gaullienne. Au plus grand mépris du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », pourtant perpétuellement présenté, suprême hypocrisie, comme l’idée directrice.

Pour notre génération, pareilles impostures et transgressions sont évidemment difficiles à approuver, et par conséquent difficiles à assumer pour leurs auteurs. Et à avouer.

La Ve République blanciste, l’Etat gaullien a privé la France de sa vocation africaine, sa vocation est donc revenue à elle. Sous nos yeux, la France s’africanise à grande vitesse, et s’africanisera de plus en plus à mesure des années. Il nous est permis de continuer à le refuser, et d’aller au désastre. Il nous est également possible de l’assumer, en acceptant que la France est d’ores et déjà, pour partie, un pays africain, et ce depuis des décennies, et même des siècles. Mais pour embrasser ce beau devenir, ce bel avenir qui ressemble à des retrouvailles tellement espérées, il faut d’abord une fois pour toutes solder un passé odieux qui nous a tous trahis. En disant ce qui s’est réellement passé, pour pouvoir enfin bâtir, entre égaux, sur des bases saines. Et conformément au « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », de pouvoir vivre ensemble et de se mêler s’ils le désirent.

Puisse l’année 2010 être le moment des aveux. La balle est dans le camp de la Gauche, mais aussi dans celui de Nicolas Sarkozy. Et de l’Afrique, et des Africains.


Alexandre Gerbi




Libellés : , , , , , , , , , ,

20 mars 2010

Les intrigues révolutionnaires et sacrificielles de Saint Nicolas Sarkozy

Deuxième tour des élections Régionales




Les intrigues révolutionnaires

et sacrificielles

de Saint Nicolas Sarkozy


par


Alexandre Gerbi
.



Les Harkis du Palais Bourbon appellent à la crucifixion électorale de Saint Nicolas Sarkozy, ce dimanche 21 mars 2010.


Dans une très pieuse démarche de sainteté et de martyre républicain, Nicolas Sarkozy s’est mis tête de provoquer une révolution. Mais face à Saint Nicolas Sarkozy se dresse un mur en béton armé de cinq cents mètres d’épaisseur et de plusieurs kilomètres de haut. Un infranchissable calvaire…

Parfaitement au courant que le second de Gaulle a assassiné la France en répudiant sa part africaine et en la vampirisant atrocement, plongeant l’une des premières puissances mondiales et la moitié d’un continent dans d’effarantes régressions politiques, culturelles, économiques et sociales, le mari de Carla Bruni, esprit atypique et ouvert, idéaliste et pragmatique, a échafaudé son plan. La fraternité franco-africaine, tel est le maître-mot qu’il ira répétant, crescendissimo. Car il les sait vitales pour l’avenir de la France, à tout point de vue, autant qu’inévitables, ces grandes retrouvailles franco-africaines. Des banlieues jusqu’au PNB en passant par le rayonnement culturel, linguistique, et le bien-être collectif, Nicolas Sarkozy l’a parfaitement compris : l’Afrique ressemble à une clef, à un incontournable absolu.

Alors Nicolas Sarkozy a échafaudé un plan permettant de gagner sur tous les tableaux : relancer l’unité franco-africaine, sous un angle totalement novateur, c’est-à-dire égalitaire, démocratique et social, bref, républicain.

Au cœur de son dispositif, le Gabon, où il s’est rendu déjà trois fois depuis son élection. Il en fera le foyer de son grand projet égalitaire et fraternel, dont il a jeté les bases, récemment, à Libreville, avec Ali Bongo, excellent symbole de cette Afrique qui a servi la France corps et âme et qu’il s’agit à présent de ne plus flétrir ni décevoir. Un projet dont l’ampleur engage les décennies, bien au-delà de son modeste règne et de celui de Bongo, comme il l’a dit explicitement, dans sa réaliste quoique ambitieuse modestie. La vision du moine-soldat Sarkozy dépasse infiniment l’échelle de l’individu pour se faire celle d’un thaumaturge, en touchant à l’Histoire jusqu’à justifier l’apostolat. C'est-à-dire le sacrifice.


*
* *

La révolution exige un socle. L’actuel système, avec lequel il s’agit de rompre fondamentalement, est fondé sur un vaste mensonge désormais connu de tous les initiés. Un gros secret de Polichinelle, en quelque sorte.

Lancer une révolution, c’est donc d’abord en finir avec les affabulations, et dire la vérité. Afin d’arrêter la machine à détruire ce pays que Nicolas Sarközy de Nagy-Bocsa aime tant, avec son cœur de métèque, mi-juif grec, mi-hongrois, et par conséquent, comme il l’a dit lui-même, tellement amoureux de la France par delà les races et les religions, qu’il s’agit de servir dans sa surhumaine grandeur. Sans renier pour autant l’évidence de ses racines gallo-romaines et chrétiennes, puisqu’elles sont si sublimes et si riches, et si évidentes partout où se pose les regards sur la France profonde et qu’on prend le temps de l’écouter.

La terrible épreuve de force, il l’a entreprise contre un système vieux de cinquante ans qui a prétendu réduire la France à une frange trop étroite de ses sensibilités. Sarkozy le métis a décidé d’affronter le blancisme. Mais pour l’heure, il faut bien constater l’écrasante solidité du Système de la Ve République gaullienne et de ses alliés pervers. Le mur est solide autant que gigantesque.

Heureusement l’adepte des t-shirt NYPD est un athlète doublé d’un très fin stratège. Une âme héroïque et romantique lovée dans son goût pour les Rolex et le décorum Disneyland.

Alors face au mur géant de béton il anticipe, multiplie les chausse-trapes, joue des leviers, en crée au besoin. Il truffe de pains de dynamite la muraille qui le surplombe de plusieurs kilomètres, la bombarde dès qu’il le peut. D’instinct, il la sent plus friable qu’on ne pourrait le croire. En mettant progressivement tout en œuvre pour que l’histoire remonte de son bain d’amnésie jusqu’à la surface, Nicolas Sarkozy virevolte tous azimuts et voit déjà s’effondrer le mur. Avec des fortunes diverses, pour le moment...

D’abord il a lancé le débat sur l’identité nationale.

Fin renard, pour mieux enfoncer le clou et orienter les débats dans le sens d’un grand déballage sur la transgression démocratique et républicaine que fut la décolonisation gaullienne, Nicolas Sarkozy a fait en sorte que le débat sur l’identité nationale s’achève pendant l’année de l’Afrique en France, cinquantenaire des « indépendances » africaines… Las !

Que croyez-vous qu’il arriva ? Comme chacun le sait, la gauche et l’extrême-gauche, fidèles alliées du Système, grandes gardiennes des secrets de la Ve République blanciste, bénéficiant de l’aide des gaullistes orthodoxes, ont bloqué et neutralisé le débat, en le réduisant à quelques obscénités.

Bien que le mari de Carla Bruni prône le métissage dans tous ses discours et a toujours proclamé que l’Islam avait toute sa place dans la société française, la gauche unanime dénonça une manœuvre électoraliste visant les immigrés, les musulmans, les Noirs et les Arabes, en même temps qu’un appel du pied au Front National. Au nom de cette accusation étayée par les réductions perfides des gaullistes, notamment Alain Juppé, les débats ont été totalement détournés et confisqués, enfin stérilisés.

Or il convient de rappeler qu’au-delà des cris d’orfraie et des effets de manche, la notion d’identité nationale n’est pas anodine sous la Ve République. C’est même une question centrale car fondatrice, puisqu’elle présida aux prétendues « indépendances » africaines. Celles-ci coïncidèrent avec la naissance de la Ve République, et avec une nouvelle définition de la France, conçue comme un pays essentiellement européen, c’est-à-dire blanc, gréco-latin et catholique. La France d’aujourd’hui découle de l’idée de l’identité nationale que se faisait de Gaulle, qui opposait « Français », « Arabes » et « Nègres ». Identité nationale par laquelle il justifia, en coulisses, la séparation qu’il organisa le plus souvent par la ruse ou par la force, il y a un demi-siècle.

Ainsi, de réductions en procès d’intention et en anathèmes, Nicolas Sarkozy assista, médusé, au total échec de son opération. L’« Identité nationale » avait certes défrayé la chronique sous les efforts de communication du gouvernement et les hurlements du reste du monde, mais faute d’avoir atteint son but fondamental, elle accoucha finalement d’une souris. Quelques mesurettes dérisoires, dans l’indifférence générale. Le principal demeura caché : la définition gaullienne de l’« identité nationale » telle qu’elle présida confidentiellement à la naissance du régime blanciste et à la nature profonde du système actuel, à la trappe ! Toutes ses conséquences pour le pays ? Circulez, y’a rien à voir…

C’est que le mur est épais… Et pas seulement côté français. Côté africain, aussi…


*
* *

Les Africains, pris dans le XXe siècle comme les Français et la plupart des autres terriens, ont été largement façonnés par l’idéologie de la guerre froide, qui voulait et par conséquent glorifiait la séparation franco-africaine et le retour aux sources pour la multitude (les élites en étant quant à elles dispensées, et les bienvenues dans le monde de la surconsommation à l’occidentale). Cette stratégie d’envergure intercontinentale appuyée par une propagande orchestrée au plan planétaire, à l’extérieur aussi bien qu’à l’intérieur de la France, de Gaulle l’enfourcha pour mieux accomplir ses desseins, c’est-à-dire déjouer le métissage franco-africain, en vue d’organiser le néocolonialisme.

Dans ces conditions idéologiques, sans surprise, en l’an 2010, les bourgeoisies et les élites africaines actuelles, grandes bénéficiaires et actrices du système, mythifient à l’instar de leurs amis et complices français et occidentaux les luttes pour l’indépendance qui, le plus souvent, ont peu ou pas existé. Elles refoulent l’amour, l’attraction qu’exerçait la France sur leurs parents ou leurs grands-parents, et qu’elle exerce encore très souvent sur eux, sinon dans les cœurs, du moins dans les têtes. Formées à l’école occidentale, souvent passées par les universités françaises, anglaises ou américaines, adeptes du french way of life ou de son équivalent anglais ou américain, enfin, fait amusant, plus souvent qu’on ne le croit possédant la nationalité française, méprisant volontiers le petit peuple, ces bourgeoisies et ces élites tiennent une ligne idéologique somme toute parfaitement conforme aux desiderata de l’ancienne puissance coloniale devenue puissance néocoloniale.

Egalement bloqué, comme on le voit, sur le versant africain du mur, Nicolas Sarkozy a envoyé un autre camion de TNT dans le béton armé, cette fois à Libreville.

Effroi dans le public : Sarkozy exprimait dans la même phrase un secret, et même un tabou, et un mensonge partagé avec tout le public, et avec le reste du monde. Sarkozy rappelait aux Gabonais qu’en 1958, ils se voulurent Français, ou Franco-Gabonais, ce qui à un certain point est la même chose, et qu’ils ne voulaient donc pas de l’indépendance. Toutes choses que l’élite gabonaise, et plus généralement africaine, n’apprécie pas d’entendre. A cela, le plastiqueur Sarkozy a ajouté le mensonge de la soif d’indépendance et de liberté. Mensonge inattaquable car partagé très officiellement par la France et le reste du monde, dont l’Afrique, depuis des décennies. Bien entendu, le public s’est tu dans la salle, la presse africaine aussi. Quant à la presse française, elle a également fait semblant de n’avoir rien entendu… « Départementalisation, 1958, comment dites-vous ? »

Personne ne risquait donc de critiquer Sarkozy, qui pouvait ainsi allègrement mentir devant des centaines de personnes pas plus dupes que lui de ses mensonges… Mais la cargaison de plastic, là encore, fit pschitt !

Jamais en reste, avant, pendant et après ces gros paquets d’explosif nommés « débat sur l’identité nationale » et « discours de Libreville » qui ont tous les deux foiré comme c’était prévisible, Nicolas Sarkozy, qui avait prévu le coup, avait truffé ledit mur de petits bâtons de dynamite. Il a confié, pour ce faire, des missions et en confie encore.

Il expliqua, entre autres, à Brice Hortefeux, Nadine Morano et Gérard Longuet :

« Chacun d’entre vous va se charger de faire péter une connerie du vieux. Toi Brice, le « un ça va, mais faut que ça reste une ‘tite minorité ». Toi Nadine, la décolonisation soi-disant voulue par les Africains mais en fait décidée par nous pour les « bouter hors de France ». Toi enfin Gérard, le « corps français » qu’il faut préserver de la « bougnoulisation ». Evidemment, tu parles de « corps français », mais pas de « bougnoulisation », là ça ferait trop ! »

Rire autour de la table. Nicolas ajoute :

« Si avec tout ça y’a pas de réactions, si aucun de ces cons de médias gaullo-socialo-trotskystes ne fait le lien avec les vrilles de la Grande Zohra, c’est à désespérer ! »

Nadine Morano s’étouffe de ricanements. Gérard Longuet tranche :

« Ils sont si cons, tu sais, que je pense qu’ils vont encore taper à côté. »

Sarkozy (naïvement) : « Je ne sais pas… ça devient dur de taper à côté, à force... Faut dire que cette gauche est tellement pourrie…»

Pessimisme présidentiel ?

Interrogée sur France Inter le 11 mars 2010, au lendemain du « dérapage » de Gérard Longuet, Marie-George Buffet répondit : « Ce sont les énièmes propos inacceptables depuis des semaines et des semaines. Ce ne sont pas des dérapages (…) c’est une pensée politique (…) qui s’exprime à droite. »

En effet, Marie-George, une pensée, pas des accidents… Car ces délires en série n’en sont pas, ils ne sont pas une génération spontanée de bêtises diverses et avariées. Tout au contraire, ils sont bien l’expression d’un système qui appellerait, dans des conditions normales, dans un pays sans tabou et sans blocages retors, à la mise en accusation de ce système. Système blanciste, né il y a cinquante ans du cerveau de Charles de Gaulle et d’une partie de la classe politique française. Avec pour résultat la société française actuelle, en butte à ses minorités africaines, anciennes colonisées, et à l’Islam, que le régime en place a, en sa naissance, mis au ban de la République, et soumis à la tyrannie et au néocolonialisme, à la régression et au repli sur soi, dans une phénoménale marque de mépris.

Or cette mise en accusation du système de la Ve République blanciste est impossible : le PCF, et Marie-George Buffet, ne se sentent pas les épaules assez larges pour renier le concours que leurs prédécesseurs prêtèrent à Charles de Gaulle dans son largage de l’Afrique, et le soutien que les communistes, sur ordre de Moscou, et l’extrême-gauche lui apportèrent dans la rhétorique comme dans la pratique, au mépris de la volonté profonde des populations africaines de la France…

Plus vastement, pour diverses raisons, toute la gauche en est là : complice du largage, et par conséquent tenue d’épouser le discours officiel qui la protège en se protégeant lui-même.

Alors le 1er mars 2010, exaspéré par la solidité du mur, poussé à bout par l’hypocrisie générale et l’échec en série de tous ses stratagèmes, Nicolas Sarkozy a pété une durite. Il a saisi une grenade d’attaque dans l’espoir fou d’entamer le béton armé. Dans un geste erratique peut-être poétiquement inspiré par son visiteur russe Dimitri Medvedev, il a ordonné que soit saisi arbitrairement le véhicule de Zohra Benguerrah et Hamid Gouraï, fille et fils de Harkis, qui assiègent depuis bientôt onze mois le Palais Bourbon. Leur break où ils dorment depuis plus de dix mois a ainsi été confisqué par la police, avec toutes ses banderoles et son matériel de manifestation. Une façon de casser le mouvement qu’ils conduisent aux flancs de l’Assemblée Nationale et la Ve République blanciste, qui après avoir livré l’Algérie au FLN, lui livra leurs parents, pour le massacre, et enferma les survivants, ou plutôt les miraculés, dans des camps.

Dans son délire, des confins de son impuissance devant le mur indestructible, Nicolas Sarkozy pensait qu’en saisissant arbitrairement un véhicule, en le faisant disparaître de la circulation au mépris de toute procédure, il susciterait l’indignation médiatique, qui par ricochet enflammerait la classe politique et répandrait, éventrées, les poubelles de la Ve République blanciste grande largueuse de « bougnoules » et de « nègres ». Hélas, le malheureux Sarko a encore échoué, et la lâcheté silencieuse des médias de la Ve République blanciste a étouffé l’affaire. Pchitt ! une fois de plus…

Nicolas Sarkozy, dans sa volonté ardente de réconcilier la France avec son histoire, avec elle-même et par conséquent avec l’Afrique et tous ses enfants, dans son désir avide de faire éclater la vérité pour faire renaître la fraternité, ment et travestit l’histoire, couvre les dérapages fétides ou scandaleux en série de ses ministres et amis politiques, et persécute les Harkis du Palais-Bourbon… Se présenter comme la caricature du système et entraîner son parti l’UMP dans son hideuse déchéance : voilà qui s’appelle avoir le sens du sacrifice et de l’intérêt collectif !

Car devant tant d’ignominies accumulées, les Français sanctionnent bien sûr impitoyablement dans les urnes le monstre blanciste dont Sarkozy s’ingénie à jouer le rôle avec l’aide de sa clique. Une stratégie sacrificielle qui s’est déjà soldée dimanche dernier par ce que nombre de chroniqueurs et même d’analystes ont appelé une « branlée ».

Les Français auront l’occasion dimanche de poursuivre dans cette direction pointée, place Edouard Herriot, par les banderoles des Harkis du Palais Bourbon, Zohra Benguerrah, Abdallah Krouk et Hamid Gouraï, qui à l’approche de leur onzième mois de siège, l’œil noir, appellent « au vote sanction contre Nicolas Sarkozy » ce dimanche 21 mars 2010.

Car aveugles comme tous les autres à la sainteté de Sarkozy, ils ont juré sa perte.


Alexandre Gerbi




Libellés : , , , ,

17 mars 2010

Communiqué du CNFA

.
.
. Communiqué

Précisions du Club Novation Franco-Africaine

à l'attention

de tous les Africains et de tous les Français





Par le succès et l’important retentissement de son Grand Symposium Franco-Africain 2010, organisé le 16 janvier 2010 à Paris, le Club Novation Franco-Africaine (CNFA) suscite des interrogations bien naturelles dans les milieux africains et français. C’est pourquoi nous, membres du CNFA, croyons utile de préciser plusieurs points, en complément du Manifeste du Club. L’originalité de nos positions, qui remettent en cause la version officielle de l’histoire de la décolonisation de l’Afrique ex-française, implique de lever toute équivoque qui pourrait résulter d’un contexte historique et idéologique complexe et souvent biaisé, aujourd’hui comme hier, en France comme en Afrique et ailleurs.

Que les choses soient parfaitement claires :

- La réflexion du CNFA porte sur la décolonisation de l’Afrique ex-française pendant la période 1945-1962. Cela dit afin que l’on cesse de nous opposer, comme c’est régulièrement le cas, les exemples du Ghana de Kwamé Nkrumah, du Congo de Patrice Lumumba, ou encore de la Guinée-Bissau d’Amilcar Cabral, qui, en dépit de l’intérêt historiographique qu’ils présentent, ne concernent pas notre sujet.

- Les membres du CNFA précisent qu’ils n’entendent en aucune manière dénigrer, désavouer ou discréditer les militants de l’indépendance des années 1945-1962. La revendication indépendantiste, en Afrique subsaharienne comme au Maghreb et ailleurs, nous paraît avoir été une réponse pleinement légitime face à un Etat français retors, volontiers brutal et parfois barbare qui, enfermé dans des schémas colonialistes, refusait d’accorder l’égalité politique à ses territoires d’Afrique et à ses populations africaines, en totale contradiction avec les principes dont ce même Etat français se réclamait officiellement dans le sillage de la Révolution de 1789 (liberté, égalité, fraternité, et laïcité).

Ceci étant clairement posé, le CNFA entend rappeler qu’entre 1945 et 1962, la grande majorité des Africains, malgré les abus et scandales perpétrés par le pouvoir métropolitain, mais aussi grâce aux espoirs que continuaient de susciter les promesses égalitaires de la République française et l’assouplissement du régime colonial pendant cette même période, étaient peu enclins au nationalisme et n’aspiraient guère à l’indépendance. Non seulement parce qu’un siècle de colonialisme français n’avait pas doté les territoires d’Afrique des cadres nécessaires à une éventuelle indépendance (carences radicales en matière de formation des populations, cadres en nombre très insuffisant, manque évident d’infrastructures, etc.), mais aussi parce qu’un siècle de vie en commun avec la France avait créé des liens d’amitié voire d’amour avec le peuple français, de métropole ou d’outremer, que les Africains ne confondaient pas avec les petits et gros colons qui sévissaient à l’ombre du système colonialiste. Pour toutes ces raisons, bien davantage que la sécession, la grande majorité des populations africaines souhaitaient que les promesses de la République française soient enfin tenues, c’est-à-dire que soit instaurée l’égalité politique totale entre tous les habitants de l’ensemble franco-africain. De la sorte, dans l’égalité et la fraternité avec le peuple français, les populations africaines souhaitaient participer à la construction politique, à l’essor économique et social, et au rayonnement de la République franco-africaine, que celle-ci fût confédérale, fédérale ou jacobine.

Bien évidemment, l’instauration de l’égalité politique entre métropolitains et ultramarins aurait entraîné une métamorphose de la France, c’est-à-dire de son peuple, désormais voué au métissage racial et culturel, mais aussi de son Parlement et de son gouvernement. De là, les citoyens africains disposant de centaines de représentants élus au Parlement, l’Etat français, devenu de facto l’Etat franco-africain, aurait été obligé de verser aux populations africaines les dividendes du développement. D’ailleurs, ce schéma avait commencé de trouver progressivement son illustration, certes très imparfaite mais néanmoins prometteuse, sous la IVe République.

Tout cela, les hommes politiques métropolitains le savaient.

Le Club Novation Franco-Africaine constate que le gouvernement métropolitain, en particulier le général de Gaulle (cf. en particulier C'était de Gaulle d'Alain Peyrefitte, tomes 1 et 2, éd. Fayard, 1994, et La Tragédie du Général, éd. Plon, 1967), conscient que la satisfaction de la revendication égalitaire portée par la majorité des Africains aurait profondément modifié la France mais aussi les rapports qu’elle entretenait avec ses territoires et populations d’Afrique, multiplia les manœuvres afin de pousser les Africains à la sécession. Ainsi fut démembré l’ensemble franco-africain, pour des motifs réels (refus du métissage et volonté de perpétuer l’exploitation colonialiste) totalement opposés aux honorables motifs officiels (en particulier le « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes »).

Le Club Novation Franco-Africaine s’emploie depuis plusieurs années à mettre à nu les subterfuges, tantôt grossiers, tantôt subtils, qui furent employés par l’Etat français pour parvenir à ses fins, en particulier le déni démocratique. Le Club Novation Franco-Africaine entend également dénoncer la propagande mensongère qui permet, depuis un demi-siècle, de dissimuler ce scandale au plus grand nombre, au profit du néocolonialisme.

Le Club Novation Franco-Africaine pointe en particulier la façon extrêmement hypocrite dont le « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » fut régulièrement invoqué par le Chef de l’Etat français pour justifier sa politique, alors que les populations africaines furent, tout au contraire, muselées et neutralisées, comme l’indique en particulier l’affaire de la Loi 60-525, très méconnue malgré son caractère crucial. Cette dernière permit au gouvernement métropolitain dirigé par le général de Gaulle, au prix d’une quadruple violation de la Constitution de la Ve République, de déposséder les populations africaines du droit à l’autodétermination sur la question de l’indépendance. C’est ainsi que tous les territoires subsahariens de la France accédèrent, dès les mois qui suivirent le vote de la Loi 60-525 (mai-juin 1960), à l’indépendance sans que les populations soient consultées, c’est-à-dire sans qu’elles puissent y opposer leurs suffrages.

En cette année 2010, Cinquantenaire des Indépendances africaines, le Club Novation Franco-Africaine exige des autorités françaises, héritières du « système » mis en place par la Ve République et ses alliés, que la vérité soit enfin dite, et que toutes les conséquences en soient tirées.

Les Africains ne sont aujourd’hui étrangers en France, et partant en Europe, que parce qu’ils furent mis, malgré eux, au ban de la République française.

L’actuel Chef de l’Etat français se prétend le président de la « rupture », et affirme vouloir refonder les rapports franco-africains sur des bases saines.

Le CNFA estime que ces déclarations d’intention ne seront qu’une énième gesticulation verbale et politicienne, un nouveau subterfuge pour duper et spolier, tant que l’Etat français n’aura pas avoué qu’il a largué l’Afrique et ses populations pour éviter la « bougnoulisation » de la France, selon le mot du général de Gaulle, et pour ne pas verser aux populations africaines les dividendes du développement et de l’exploitation des richesses de leurs terres.

Bien entendu, l’objectif du CNFA n’est pas de rester éternellement les yeux rivés sur le passé.

D’ailleurs, l’année 2010 commence à peine, et nous annonçons dès à présent que certains membres du CNFA livreront, dans quelques mois, plusieurs propositions concrètes d’ordre politique, économique et social, concernant l’Afrique, la France et les rapports franco-africains, en vue de l'élaboration d'un plan global. Ce plan sera diffusé en direction des gouvernements de tous les pays qui constituaient, voilà cinquante ans, l’ensemble franco-africain.

Cela dit, dans un premier temps, le CNFA estime nécessaire de faire toute la lumière sur la décolonisation franco-africaine. C’est là, à nos yeux, la condition primordiale pour bâtir un avenir franco-africain, et euro-africain, réellement novateur et se débarrasser des criminels errements du passé.

Enfin, le CNFA répète que ce communiqué se conçoit comme un complément du Manifeste du Club Novation Franco-Africaine, qui demeure la plateforme fondamentale de notre mouvement et le pivot de notre action politique.


Fait à Paris, Abidjan, Yaoundé, Düsseldorf,
le 15 mars 2010

Le Club Novation Franco-Africaine (CNFA)

Contact / Information : .cnfa1
@yahoo.fr


Libellés : ,

11 mars 2010

Le « Corps français » : Origine et enjeux de l’expression

Au-delà des mots
de Gérard Longuet et compagnie...




Le « Corps français » :

Origine et enjeux de l’expression



par


Alexandre Gerbi
.



Gérard Longuet, Brice Hortefeux et Nadine Morano : tous les trois sont de petits émules du général de Gaulle et de la Ve République blanciste, d’ailleurs comme Nicolas Sarkozy. Alors pourquoi leur reprocher d’être fidèles au régime ? On voudrait donc qu’ils renient le système qu’ils servent et qui les porte ?

Car de Gaulle, père du régime, est bien l’inspirateur de ces différents et convergents propos. La rhétorique de l’indépendance voulue par l’Afrique dont use Nadine Morano dans une fameuse vidéo, et réutilisée récemment par Nicolas Sarkozy à Libreville, au Gabon, devant un public ébaubi par l’énormité du bobard, est exactement celle que le général de Gaulle et ses alliés employèrent pour justifier, il y a un demi-siècle, la mise au ban de la République des territoires d’Afrique. En maquillant l’affaire en « triomphe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ». A l’époque, avec l’aide des Américains, des Soviétiques et de leurs valets, amis et clients, toutes les résistances furent vaincues, et le mensonge put triompher comme vérité incontestable. Sans discontinuité jusqu’à nos jours. Sous le fatras des carabistouilles, l’ignominie l’emportant sur la justice, la République recula au profit de la tyrannie.

Autre exemple, même référence. Le raisonnement de Brice Hortefeux sur les « Auvergnats » rappelle furieusement, lui aussi, comme l’ont relevé de nombreux observateurs, une autre citation du Général : « C’est très bien qu’il y ait des Français jaunes, des Français noirs, des Français bruns (…) mais il faut qu’ils restent une petite minorité, sans quoi la France ne serait plus la France » par lequel le général de Gaulle justifia, en coulisses, son choix de débarrasser le pays des « Arabes » algériens et des autres populations d’Afrique.

Quant au récent jugement de Gérard Longuet sur l’éventuelle nomination de Malek Boutih à la tête de la Halde, il s’inscrit, une fois encore, dans l’exact héritage du Général. Jusque dans sa terminologie. La drôle d’expression qu’utilise Gérard Longuet, le « corps français », est en effet typiquement gaullienne. Dans une saillie fort bien connue des initiés, de Gaulle expliqua : « Vous croyez que le corps français peut absorber dix millions de musulmans, qui demain seront vingt millions et après-demain quarante ? Mon village ne s'appellerait plus Colombey-les-Deux-Eglises, mais Colombey-les-Deux-Mosquées ! » Ainsi de Gaulle justifiait-il, in petto, sa politique de largage de l’Algérie, c’est-à-dire l’éviction, hors du « corps français » des Algériens en particulier…

On le voit, cette étrange conception de la francité, qui a l’air de tant choquer lorsqu’elle affleure chez Gérard Longuet, Brice Hortefeux, Nadine Morano ou Nicolas Sarkozy, ne se résume pas qu’à des mots. Elle s’est traduite en actes politiques majeurs, a fait beaucoup de dégâts. Car c’est notre chère Ve République tout entière qui en est la créature, née d’ailleurs, presque tout le monde l’a oublié, d’une première et éphémère Ve République, totalement différente, antiraciste, égalitaire et fraternelle, qui fut à la fois hypocritement portée, afin de revenir au pouvoir, puis systématiquement détruite par le même général de Gaulle…

C’est au nom d’une « certaine idée de la France », selon une expression fameuse que de Gaulle emprunta à Barrès, une France « avant tout de race blanche, de culture grecque et latine, et de religion chrétienne », de sa préservation contre la « bougnoulisation », que de Gaulle et ses alliés (y compris de gauche, dont la SFIO, ancêtre du PS actuel) crut bon de réduire la France essentiellement à l’Hexagone, en imposant une fausse indépendance à des territoires d’Afrique qui, bien au contraire, souhaitaient ardemment bâtir avec la France une grande République égalitaire et fraternelle. A la place d’une révolution dans le sens de l’Histoire de France et l’héritage de 1789 théorisée par l’avant-garde de l’école anthropologique française, qui aurait conduit au métissage de la métropole et de ses territoires d’Afrique, de Gaulle accomplit après 1958 une colossale régression au service, au mieux, d’une conception réactionnaire, blanciste et antirépublicaine de la France, au pire d’un montage idéologique d’origine états-unienne et soviétique. Certes, sous ce dernier angle, il se pourrait bien que l’opération relevât de la haute trahison…

La plupart des maux qui frappent aujourd’hui la France, mais aussi l’Afrique, au nord comme au sud du Sahara, remontent à cette époque, aux terribles choix qui furent faits, aux gigantesques mensonges qui les servirent, et aux idées monstrueuses qui y présidèrent. Les sorties consternantes de Gérard Longuet, de Brice Hortefeux, de Nadine Morano et de Nicolas Sarkozy n’en sont que de pâles reflets, qui ne sauraient dissimuler tout ce que la gauche, sur ce chapitre, au-delà de ses gesticulations actuelles et de son antiracisme ostentatoire, a elle aussi sur la conscience. Notamment touchant à ses complicités dans le largage de l’Afrique, et par conséquent, depuis lors, dans le calvaire de ses populations…

2010 aurait dû commencer par un débat honnête et salutaire sur l’« identité nationale » qui, intervenant au moment du cinquantenaire des indépendances africaines, année de l’Afrique en France, aurait permis de lever le voile sur un demi-siècle d’imposture et de crime contre la démocratie et la République, contre l’Afrique et contre la France. Car depuis au moins C’était de Gaulle d’Alain Peyrefitte, publié chez Fayard en 1994, on sait que le général de Gaulle imposa l’indépendance à des territoires qui, pour l’essentiel, aspiraient à l’égalité dans la République franco-africaine. Mais comme de Gaulle considérait que nos compatriotes d’Outre-Mer n’étaient pas des Français et auraient défiguré la France…

On devine, sans doute, les immenses ravages qu’engendrent de tels états de fait, mais aussi les refoulements qui les servent, puisque tout ceci est encore aujourd’hui largement caché aux yeux du peuple, qui souvent croit mordicus que les vieux Africains détestaient la France et voulurent s’en séparer. Ce qui pousse des pans entiers de la jeunesse, aujourd’hui, à détester la France à son tour. A l’imitation, croit-elle, de ses aïeux...

Au lieu de pousser des cris de vierge effarouchée en entendant élucubrer tour à tour les barons de l’UMP, au lieu de jouer l’hypocrisie plus encore, en définitive, que la droite, la gauche française ne serait-elle pas bien avisée de procéder à un grand déballage, en mettant sur le tapis, une fois pour toutes, l’histoire occultée de la Ve République blanciste et ses tromperies délétères ?

Mais pareille opération impliquerait, il est vrai, une forte dose de courage et d’honnêteté intellectuelle, et la faculté d’avouer que depuis un demi-siècle, la gauche française est complice d’une vaste trahison du peuple et de la République, en France comme en Afrique…

« Vaste programme », comme disait ce bon vieux Général…



Alexandre Gerbi




Libellés : , , , , , , , ,

9 mars 2010

Les manipulations pro-gaullistes du Dada "FOG" et de Nicolas Sarközy de Nagy-Bocsa

Dans le cadre du cinquantenaire
des indépendances africaines…





Les manipulations pro-gaullistes

du Dada Franz-Olivier Giesbert

et de Nicolas Sarközy de Nagy-Bocsa



par


Alexandre Gerbi
.

à Claude Garrier


Dans les petites sphères politiques et médiatiques françaises, on sait depuis longtemps qu’il est interdit de critiquer le général de Gaulle. On sait également qu’il est permis, en revanche, d’en faire l’apologie la plus débridée. Car en ce domaine particulier, l’éloge, même hors limites, n’expose à aucun sarcasme. Dire que le Général était « un génie » au sens fort et plein du terme (politique, historique, littéraire…), affirmer qu’il est « le plus grand homme de l’Histoire de France », lui tresser des couronnes de laurier pendant des heures avec un petit sourire béat aux lèvres, tout cela est parfaitement possible, et même conseillé. L’exercice ouvre les portes et allume autant de spotlights que la critique du même Général menace celui qui la profère d’anathème et de bannissement. Dans le petit monde médiatique, chacun sait tout cela, et se comporte en fonction…

Ils sont par conséquent rarissimes ceux qui se permettent de flinguer le grand homme. De mémoire de téléspectateur, depuis vingt ans sur le petit écran, personne ne s’est risqué à mettre en cause Charles de Gaulle. Hormis Georges-Marc Benamou, lors de la sortie de son livre Un mensonge français, en 2003, et Pierre Bénichou, dans une furtive mais puissante salve lancée dans l’émission 93, Faubourg Saint Honoré, en 2006. Mais à part cela, rien, ou presque.

Illustration de l’extrême actualité du phénomène, vendredi 5 mars 2010, dans Vous aurez le dernier mot !, l’émission de Franz-Olivier Giesbert (alias « FOG »), sur France 2.

Sous prétexte d’organiser un débat autour du Général, « FOG » invite autour de la table… trois gaullistes invétérés (Max Gallo, Eric Zemmour et Paul-Marie Coûteaux) et un quatrième larron (Benoît Duteurtre) qui s’abstint de contredire en quoi que ce soit les trois autres, et alla jusqu’à placer la pensée du « plus illustre des Français », en dépit de son caractère « archaïque», à la « pointe de l’altermondialisme »... Autour d’un thème lui-même nettement orienté dans le sens habituel (« De la grandeur gaullienne au défaitisme actuel »), on vit pendant une demi-heure les trois principaux intervenants se disputer le titre de plus grand « gaullologue » (selon l’expression de Giesbert) sous le regard complice du quatrième.

Franz-Olivier Giesbert est bien sûr en droit de transformer une émission culturelle du service public en machine à glorifier de Gaulle, en éliminant du plateau toute voix discordante, et en orientant les débats dans le sens hagiographique le plus caricatural. Il est en droit de mettre en scène, dans une logique presque dadaïste, le pro-gaulliste Eric Zemmour multipliant les assauts pro-gaullistes en direction du pro-gaulliste Max Gallo sous l’œil vigilant du pro-gaulliste Paul-Marie Coûteaux et du néo-pro-gaulliste Benoît Duteurtre. En termes de déontologie journalistique ou médiatique, rien de plus digne et respectable… En revanche, ce qui semble plus douteux, c’est d’intituler « débat » ce qui ne confronte que des avis essentiellement convergents, autour d’un sujet lui-même dénué de toute neutralité.

Des confins de sa mise en scène, dadaïste disions-nous, Dada FOG a tout de même signé son œuvre, à la presque fin du « débat », en balançant dans la figure d’un Zemmour arrêté dans l’extase :

« Ce passéisme, et puis ce culte aussi du général de Gaulle, est-ce que ce n’est pas lié aussi à un certain refus de la mondialisation, de la France pluriethnique ? D’ailleurs il y a des phrases du général de Gaulle (…) qui sont frappantes sur les Français musulmans et les Français chrétiens… Il les compare, il dit que c’est l’huile et le vinaigre, vous mélangez ça dans la bouteille, vous reposez la bouteille, et l’huile et le vinaigre seront à nouveau séparés »

Eric Zemmour : « Il dit pas les Français musulmans et les Français chrétiens, il dit les Arabes et les Français. Et il dit c’est comme l’huile et le vinaigre, vous les mélangez ensemble, ça finit par se séparer après ».

A la minute 1h06 :

http://programmes.france2.fr/vous-aurez-le-dernier-mot/index.php?page=article&numsite=4199&id_article=12407&id_rubrique=4202

La nuance, subtile, n’est certes pas à l’avantage de de Gaulle… Au demeurant, ni Eric Zemmour ni ses comparses ne se sont aventurés à s’étendre davantage sur cette citation, ni bien sûr à la critiquer, en cette année de cinquantenaire des indépendances africaines, Algérie en ligne de mire (2012)… Les sacrosaints « codes » furent dûment respectés. On passa immédiatement à autre chose. La remarque de FOG et le ricochet « zemmourien » firent plouf. Et pour cause, Max Gallo, par exemple, a déjà démontré par le passé son talent, en pareil cas, pour noyer le poisson (voir notre article Les flous de mémoire de Max Gallo sur France Inter).

De tels comportements ne sauraient étonner celui qui connaît la véritable histoire de la Ve République blanciste. Car celle-ci fut originellement bâtie sur des considérations totalement anti-républicaines, considérations raciales, civilisationnelles, religieuses et financières cachées sous de gigantesques mensonges (avec le monde entier faisant chorus, depuis cinquante ans, Etats-Unis et ONU en tête). Le travestissement de l’histoire de la décolonisation est la spécialité de notre cher régime, puisqu’il en est né, dans la duplicité (relire les discours d’Alger et de Mostaganem de Charles de Gaulle en 1958).

Cela est si vrai que le 26 février dernier, à Libreville, en parfait continuateur du Système, bafouant ses promesses de « rupture », Nicolas Sarközy de Nagy-Bocsa, au moment de refonder les relations franco-gabonaises ou franco-africaines, balança sans vergogne d’énormes mensonges historiques aux enjeux immenses, à la figure d’un parterre gabonais bien embarrassé, tant était grand le scandale de voir ainsi violée la réalité historique, sous le patronage dès lors nécessairement usurpé des morts : certains de leurs noms avaient été prononcés, invoqués, et le respect qui leur est dû exalté par Nicolas Sarkozy lui-même, ce jour-là…

A se demander si Nicolas Sarközy de Nagy-Bocsa ne joue pas avec le feu…

L’âme africaine, dans sa profonde grandeur, sait comprendre l’humaine faiblesse, faire la part des choses et par conséquent pardonner. Elle l’a souvent démontré tout au long de sa douloureuse histoire, en particulier à l’égard de la France, et de cela l’Afrique peut s’enorgueillir.

Pour cela, il n’est peut-être pas trop tard pour bien faire, malgré tout. C’est-à-dire qu’il est encore temps pour Nicolas Sarkozy d’en finir et d’avouer les choses, le largage, le travestissement et le masque, le déni d’égalité, le mépris racial, la défiance civilisationnelle, le vaste crime contre l’humanité (je pèse mes mots) que fut la prétendue « décolonisation ». Crime contre l’Afrique, contre la France, contre la République et contre la démocratie. Pour enfin désigner le grand coupable, l’ennemi commun : la classe politique métropolitaine de l’époque, en particulier Charles de Gaulle, prétendument décolonisateur, en réalité destructeur de l’unité franco-africaine, et euro-africaine, et donc ennemi du panafricanisme, de la Nation, et grand faiseur de désastres.

Mais après tout, puisque tant de nos contemporains ont l’air de s’en tamponner le coquillard ou de ne rien comprendre, et surtout de fort, fort bien s’en porter…



Alexandre Gerbi




Libellés : , , , , , , , , , , , , , ,

6 mars 2010

Sarkozy à Libreville : Pire que le discours de Dakar ?





Sarkozy à Libreville :

Pire que le discours de Dakar ?





par


Alexandre Gerbi
.



A priori, difficile de faire pire que le discours de Dakar de 2007, qui par ses grossières approches déchaîna un tollé à travers toute l’Afrique. Or voici que le comble de la falsification historique vient d’être accompli tout récemment par Nicolas Sarkozy, face à des centaines de personnes, à Libreville, au Gabon. Encore par ignorance ? En tout cas, cette fois-ci, les énormités sarkozyennes n’ont eu le don de révolter personne…

Le 24 février 2010, à Libreville donc, Nicolas Sarkozy, apparemment très à l’aise, à tu et à toi avec son homologue gabonais, Ali Bongo, avait pourtant bien commencé, puisque pour la première fois un grand tabou était levé par une bouche officielle : « Au seuil de l’Indépendance, certains de vos grands aînés ont souhaité la départementalisation ».

Episode longtemps très secret, ignoré voire nié, et pour cela absent de presque tous les livres jusqu’à ce jour, le Gabon a en effet demandé la départementalisation en 1958. Mais le gouvernement métropolitain d’alors s’y opposa vertement. Ce que l’historien Sarkozy commente en ces termes : « Heureusement, il en fut autrement, parce que vous aviez compris que si l’amitié est précieuse, la liberté, elle, est vitale. Et c’est ce choix qui fut celui de nos amis gabonais ».

On a le droit de divaguer et même celui de dire n’importe quoi. Pourtant, si l’on parle d’Histoire, les Gabonais ne firent, à l’époque, aucun choix. Car le général de Gaulle, ce que Nicolas Sarkozy se garde bien de rappeler, refusa la départementalisation (en violation de l’article 76 de la Constitution, octobre 1958), puis il donna des ordres (janvier 1960) pour pousser l’auteur du projet en personne, Léon Mba, à réclamer l’indépendance (août 1960). De l’aveu même du Général, les services français eurent toutes les peines du monde à le convaincre…

Ayant imposé le principe de l’indépendance à Léon Mba et à son gouvernement, de Gaulle eut encore à museler les populations gabonaises largement favorables à l’unité franco-africaine égalitaire et fraternelle. En particulier, justement, du côté de Libreville, à l’époque vieille ville franco-gabonaise largement métisse. Pour déposséder les Gabonais du droit à l’autodétermination, de Gaulle fit donc voter à Paris la Loi 60-525 (mai-juin 1960, au prix d’une quadruple violation de la Constitution, qui fit d’ailleurs pas mal de vagues).

Tout cela, Nicolas Sarkozy le sait très bien, ou devrait le savoir. Dans ces conditions, comment peut-il invoquer la « liberté » et le « choix » des Gabonais, sinon en espérant flatter un auditoire théoriquement complice et, surtout, tenu au silence depuis un demi-siècle ? Au reste, probablement gênée par l’ampleur de l’imposture, la salle a très timidement applaudi…

Omar Bongo, dont Nicolas Sarkozy se flatte d’être allé honorer la tombe à Franceville, avait ordonné la publication, dans les années 1980, d’un gros ouvrage consacré à l’Histoire de son pays : le Mémorial du Gabon. L’« Affaire gabonaise », la départementalisation refusée y était sèchement relatée. L’ouvrage rappelait le soutien populaire dont bénéficiait le projet de départementalisation porté par Léon Mba. C’est peu dire qu’en entendant Nicolas Sarkozy gloser sur la « liberté » et le « choix » des Gabonais en 1960, Omar Bongo et Léon Mba ont dû se retourner dans leur tombe, en même temps que tous les anciens qui jadis se rêvaient Français, ou Franco-Africains... Mais après tout, au diable le respect des ancêtres, pourtant « sacré » en Afrique selon Nicolas Sarkozy…

Vous avez dit « cynisme », encore et toujours ?

D’évidence, cet outrage à la mémoire des morts place sous de bien funestes auspices le projet soi-disant « gagnant-gagnant » que Sarkozy entend substituer, avec l’aide de son « ami » Ali Bongo, à la dite « Françafrique ». Les « indépendances » assorties de la « coopération », rappelons-le, étaient également censées être, au beau temps de papa de Gaulle, une opération « gagnant-gagnant ». On sait ce que cela a donné, et le rôle que tint le mensonge – majuscule – dans cette sinistre et criminelle affaire…

Aucune fraternité réelle entre la France et ses anciens territoires et populations d’Afrique ne pourra être sainement reconstruite sur d’autres bases que l’honnêteté face au passé et à l’Histoire. Il est bien triste que même la gauche et l’extrême-gauche, en France, soient incapables de le rappeler à Nicolas Sarkozy. Tout simplement parce qu’elles sont l’une et l’autre, comme lui, intimement liées au système de la Ve République blanciste agonisante.

Face à pareil scandale et à la paralysie du système, les grands médias ne peuvent-ils donc rien faire, rien dire ? Et les Africains ne devraient-ils pas réclamer à cor et à cri la vérité, par fidélité aux ancêtres et au Grand Esprit Nkoué Mbali ?

Puissent ces quelques réflexions ne pas tomber dans l’oreille de sourds…


Alexandre Gerbi




Libellés : , , , , , , , ,

5 mars 2010

Discours de Libreville : L’outrage aux ancêtres de Nicolas Sarkozy

Cinquante ans après, au Gabon...



Discours de Libreville :

L’outrage aux ancêtres

de Nicolas Sarkozy





par


Alexandre Gerbi
.



Il y a quelques mois, nous riions ensemble des belles leçons d’histoire de Nadine Morano, qui prétendait tirer argument de l’indépendance du Sénégal pour convaincre un passant africain, alpagué sur un marché, qu’il n’était pas chez lui en France. Nous pointions que la secrétaire d’Etat à la famille se livrait là à une falsification dans le droit fil de l’histoire officielle de la Ve République blanciste, qui prétend que les citoyens de l’Outre-Mer français exigèrent l’indépendance. Nous rappelions que les Africains, il y a cinquante ans, réclamaient bien davantage l’égalité et la fraternité, qui leur furent définitivement refusées.

En se débarrassant des populations africaines au lieu de bâtir la grande République franco-africaine égalitaire et fraternelle, le gouvernement français entendait esquiver la « bougnoulisation » et l’islamisation de la France, et relancer le (néo)colonialisme. Evidemment, cela ne fut jamais assumé par les pouvoirs publics, et n’est par conséquent presque jamais dit. A tel point que rien ne permet d’affirmer que Nadine Morano ne pèche pas simplement par ignorance…

Or voici que le comble de la falsification historique vient d’être accompli tout récemment par Nicolas Sarkozy, face à des centaines de personnes, à Libreville, au Gabon. Encore par ignorance ? Cette fois, difficile de le croire…

Le 24 février 2010, Nicolas Sarkozy, apparemment très à l’aise, à tu et à toi avec son homologue gabonais, avait pourtant bien commencé, puisque pour la première fois un grand tabou était levé par une bouche officielle : « Au seuil de l’Indépendance, certains de vos grands aînés ont souhaité la départementalisation ».

Episode longtemps très secret, ignoré et même nié, et pour cela absent de presque tous les livres jusqu’à ce jour, le Gabon a en effet demandé la départementalisation en 1958. Mais le gouvernement métropolitain d’alors s’y opposa vertement. Ce que l’historien Sarkozy commente en ces termes : « Heureusement, il en fut autrement, parce que vous aviez compris que si l’amitié est précieuse, la liberté, elle, est vitale. Et c’est ce choix qui fut celui de nos amis gabonais ».

On a le droit de divaguer et même celui de dire n’importe quoi. Pourtant, si l’on parle d’Histoire, les Gabonais ne firent, à l’époque, aucun choix. Car le général de Gaulle, comme le rappelle implicitement et sans le nommer Nicolas Sarkozy, refusa la départementalisation (en violation de l’article 76 de la Constitution, octobre 1958), puis il donna des ordres (janvier 1960) pour pousser l’auteur du projet en personne, Léon Mba, à réclamer l’indépendance (août 1960). De l’aveu même du Général, les services français eurent toutes les peines du monde à le convaincre…

Ayant imposé le principe de l’indépendance à Léon Mba et à son gouvernement, de Gaulle eut encore à museler les populations gabonaises largement favorables à l’unité franco-africaine égalitaire et fraternelle. En particulier, justement, du côté de Libreville, à l’époque vieille ville franco-gabonaise largement métisse. Pour déposséder les Gabonais du droit à l’autodétermination, de Gaulle fit donc voter à Paris la Loi 60-525 (mai-juin 1960, au prix d’une quadruple violation de la Constitution, qui fit d’ailleurs pas mal de vagues).

Tout cela, Nicolas Sarkozy le sait très bien, ou devrait le savoir. Dans ces conditions, comment peut-il invoquer la « liberté » et le « choix » des Gabonais, sinon en espérant flatter un auditoire théoriquement complice et, surtout, tenu au silence depuis un demi-siècle ? Au reste, probablement gênée par l’ampleur de l’imposture, la salle a très timidement applaudi…

Omar Bongo, dont Nicolas Sarkozy se flatte d’être allé honorer la tombe à Franceville, avait ordonné la publication, dans les années 1980, d’un gros ouvrage consacré à l’Histoire de son pays : le Mémorial du Gabon. L’« Affaire gabonaise », la départementalisation refusée y était sèchement relatée. L’ouvrage rappelait le soutien populaire dont bénéficiait le projet de départementalisation porté par Léon Mba. C’est peu dire qu’en entendant Nicolas Sarkozy gloser sur la « liberté » et le « choix » des Gabonais en 1960, Omar Bongo et Léon Mba ont dû se retourner dans leur tombe, en même temps que tous les anciens qui jadis se rêvaient Français, ou Franco-Africains... Mais après tout, au diable le respect des ancêtres, pourtant « sacré » en Afrique selon Nicolas Sarkozy.

Vous avez dit « cynisme », encore et toujours ?

D’évidence, cet outrage à la mémoire des morts place sous de bien funestes auspices le projet soi-disant « gagnant-gagnant » que Sarkozy entend substituer, avec l’aide de son « ami » Bongo, à la dite "Françafrique". Les « indépendances » assorties de la « coopération », rappelons-le, étaient également censées être, au beau temps de papa de Gaulle, une opération « gagnant-gagnant ». On sait ce que cela a donné, et le rôle que tint le mensonge – majuscule – dans cette sinistre et criminelle affaire…

Aucune fraternité réelle entre la France et ses anciens territoires et populations d’Afrique ne pourra être sainement reconstruite sur d’autres bases que l’honnêteté face au passé et à l’Histoire. Il est bien triste que même la gauche et l’extrême-gauche, en France, soient incapables de le rappeler à Nicolas Sarkozy. Tout simplement parce qu’elles sont l’une et l’autre, comme lui, intimement liées au système de la Ve République blanciste agonisante.

Face à pareil scandale et à la paralysie du système, les grands médias ne peuvent-ils donc rien faire, rien dire ? Et les Africains ne devraient-ils pas réclamer à cor et à cri la vérité, par fidélité aux ancêtres et au Grand Esprit Nkoué Mbali ?

Puissent ces quelques réflexions ne pas tomber dans l’oreille de sourds…



Alexandre Gerbi




Libellés : , , , , , , , , , ,