28 sept. 2010

Manifestation des Harkis : Pourquoi la gauche brillait par son absence

Après la manifestation
du 15 septembre
2010





Manifestation des Harkis :

Pourquoi la gauche

brillait par son absence




par


Alexandre Gerbi





Naguère, les républicains, la gauche en particulier, ont eu tendance à abandonner au Front National de JM Le Pen les symboles que sont le drapeau tricolore et la Marseillaise. Au passage, c’était laisser à l’extrême-droite des emblèmes que celle-ci longtemps rejeta, car elle les identifiait à une Révolution française et à une République (« la gueuse ») dont elle détestait tout, à commencer par les principes, Liberté, Egalité, Fraternité et Laïcité.

Se rappeler que toutes les révolutions du XXe siècle (russe, espagnole, ou encore chinoise) se sont faites au chant de la Marseillaise et dans le souvenir de la Révolution française. Jusqu’à Tian'anmen, à Pékin, en 1989.

A gauche en France, seuls les trotskystes, les staliniens attardés ou les naïfs ignorent encore que la Marseillaise est l’hymne universel du peuple soulevé contre les abus de ses chefs, autrement dit l’étendard de la gauche triomphante…

Le procès de Charles de Gaulle

Les partis de gauche entendent-ils à présent abandonner au FN, et à la droite, la cause Harkie ?

Et pourtant, la dénonciation de la tragédie des Harkis devrait, à plusieurs titres, être le cheval de bataille de la gauche.

En effet, cette cause renvoie à l’immense crime dont furent victimes les Harkis et les Algériens francophiles. Au lendemain de l’indépendance algérienne, entre juillet et octobre 1962 : de 60.000 à 200.000 morts, voire davantage, dans des conditions atroces.

D’autre part, cette cause fédère positivement, chose rare, plus de 80% des Français ; et en démocratie, la voix du peuple, a fortiori quand elle a si évidemment raison, est sacrée.

Enfin, la tragédie des Harkis engage non seulement la France et l’Algérie, mais aussi la moitié du continent africain. En effet, cette page terrible de notre Histoire, l’holocauste Harki et des Algériens francophiles, est la porte d’entrée historiographique d’une vaste machination : la « décolonisation », incommensurable scandale travesti en épopée de la Liberté. L’opération fut conduite, dans sa phase finale, par Charles de Gaulle. Elle permit enfin la mise en place du néocolonialisme qui, en asservissant et détruisant l’Afrique, acheva de trahir et défigurer la France.

Toutes ces pièces sont à verser au procès majuscule auquel Charles de Gaulle ne pourra plus longtemps échapper.

« La France est morte… »

Il est bien triste de constater que les partis politiques de gauche (PS, PCF, Verts) n’apportent qu’un soutien dérisoire, voire nul, à Zohra Benguerrah et Hamid Gouraï, fille et fils de Harkis, qui assiègent depuis 18 mois l’Assemblée nationale, et somment Nicolas Sarkozy de tenir sa promesse de campagne.

Le 15 septembre, Zohra et Hamid avaient appelé à une grande manifestation de soutien. Alors que la gauche brillait par son absence sur la place Edouard Herriot, un vieux harki buriné par les ans soufflait, désespéré : « La France est morte… »

Place Edouard Herriot, au micro des Harkis, deux figures du FN, Bruno Gollnisch et Roger Holeindre, s’érigèrent en tribuns du peuple, accusant de Gaulle aussi bien que la Ve République de crimes et de trahison. Ils suscitèrent, évidemment, de forts applaudissements. Les députés du MODEM (Jean Lassalle), de l’UMP (Christian Kert) et de la Gauche Moderne (Jacques Domergue) s’étant contentés, eux, de passer plus furtivement dans la matinée.

Les méandres de la gauche

Au nom de quels absurdes méandres la gauche française peut-elle justifier sa totale absence ce jour-là ? Comment expliquer qu’elle laisse ainsi au parti de JM Le Pen et aux émissaires de Sarkozy et de Bayrou le monopole de la défense des Harkis ? Aucun député socialiste, aucun député communiste ou vert n’avait-il donc cinq minutes à consacrer aux Harkis du Palais Bourbon, ce mercredi-là ?

Mais c’est qu’en réalité, la gauche est gênée à de nombreux titres par la tragédie des Harkis.

D’une part parce que la gauche porte une lourde responsabilité dans cette abominable affaire, comme elle en porte une immense dans le largage de l’Algérie. En effet, à l’époque, aux ordres de l’URSS ou travaillée comme le Général par les démons racialistes et civilisationnels (au moins autant que financiers…), la gauche fit alliance avec de Gaulle pour procéder au « dégagement » de la quasi-totalité des territoires et des populations africaines de la France. C’est qu’au plus haut niveau du PCF et de la SFIO (Parti socialiste de l’époque), tout comme à droite, accepter des millions de Noirs et d’Arabo-Berbères comme Français à part entière n’allait pas de soi. Et beaucoup de politiciens français, en particulier parmi les grands leaders du moment, entendaient bien que l’Assemblée nationale ne se peuplât point de centaines de députés africains. Car alors, non seulement la France aurait accompli sa métamorphose métisse, mais de surcroît le colonialisme aurait été par là même rendu impossible…

Pour parvenir à accomplir ce divorce qui ne convenait ni aux Africains, ni aux Métropolitains, attachés les uns et les autres à l’unité franco-africaine, de Gaulle n’hésita pas à mentir aux foules, et à invoquer d’abord l’unité dans l’égalité et la fraternité, puis par la suite à se prévaloir en permanence le « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », tout en… bâillonnant le peuple pour mieux briser l’unité franco-africaine !

Cohérence gaullienne

Car dans les faits, le programme promis fut entièrement mis à terre (1959-1962), et pour ce faire la Constitution fut foulée au pied et copieusement trafiquée par le Général. En Afrique noire, les populations furent tout simplement privées de référendum sur la question pourtant cruciale de l’indépendance (Loi 60-525, mai-juin 1960) ; mieux encore, en Algérie, le référendum fut organisé… par le FLN indépendantiste et ultraviolent (l’Etat gaullien, devenu son allié, finit par le fournir en armes…), dans un climat de terreur et de massacre, avec pour résultat édifiant 99,72% de OUI pour l’indépendance… Dans les deux cas, en Algérie comme en Afrique subsaharienne, on put vérifier que la volonté des peuples n’était qu’un prétexte pour de Gaulle, puisque le peuple n’avait, dans les faits, plus son mot à dire sur la question. Ce qui n’empêchait nullement l’ONU de frétiller de joie et même de prêter son aimable concours...

C’est dans ce contexte que les Harkis furent logiquement interdits de rapatriement : de Gaulle se « dégageait » d’Algérie et d’Afrique pour éviter la « bougnoulisation » de la France, il refusait donc de « bougnouliser » la France en y accueillant des centaines de milliers de Harkis et d’Algériens francophiles. Car avec leurs familles, ceux-ci représentaient plusieurs millions de personnes…

Ainsi la République française (ou franco-africaine…) fut démantelée, abandonnant les 9/10 de son territoire et la moitié de sa population, au nom de critères raciaux, culturels et religieux (« Vous voyez un président arabe à l’Elysée ? » ironisait de Gaulle…), mais aussi au gré d’âpres calculs financiers. Du même coup, la France (ou plutôt la République franco-africaine…) renonça à être une puissance aux dimensions planétaires, pour éclater en une myriade d’Etats de taille variable (moyens, petits ou minuscules) voués à une inéluctable relégation, voire au désastre...

Tour de force et conséquences

Le tour de force de Charles de Gaulle fut d’utiliser son prestige d’Homme du 18 juin pour faire passer pareille catastrophe pour une grande victoire devant l’Histoire et le couronnement de la grandeur française. Ainsi l’étroitesse d’esprit et rejet de l’idéal républicain devinrent le comble de la hauteur de vue et de la vision historique. De même, par une autre prouesse rhétorique, le musèlement des peuples devint l’expression suprême de leur volonté. Au point qu’aujourd’hui, une grande partie de la jeunesse, en France comme en Afrique, est intimement persuadée que la « liberté » fut arrachée par les Africains et les Algériens à une France contrainte de la leur rendre. En toute logique, une partie de cette jeunesse manipulée entend à présent achever la bête…

Car l’ennui est que de telles manipulations, entre bourrage de crânes, mensonges délétères et lavage de cerveaux conjugués, si elles permettent toujours aujourd’hui de masquer le pourtant énorme pot-aux-roses, sont à l’origine d’une crise d’identité et d’un malaise extrêmement grave et profond. De dynamique brisées en forces régressives caressées dans le sens du poil, cinquante ans d’autodestruction semblent atteindre leur point de rupture : la France paraît en passe d’imploser, ou de se déchirer. Tout cela se déroule tandis que l’Afrique endure depuis cinq décennies un long calvaire dont elle ressort très abîmée et souffrante.

Il reste 18 mois à Sarkozy

Il faudra bien un jour que le Système, c’est-à-dire l’Etat français et ses prolongements médiatiques, intellectuels et éducationnels (collèges, lycées, universités) avouent que depuis cinquante ans, ils mentent au peuple et le manipulent. Il faudra bien, aussi, qu’ils avouent que l’ensemble franco-africain fut démantelé au mépris de la démocratie et des principes les plus sacrés de la République. Autant qu’au mépris du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ».

Si la Gauche laisse au Front National (ou à l’UMP, car n’oublions pas qu’il reste encore 18 mois à Nicolas Sarkozy pour honorer sa promesse…) le monopole de la cause Harkie, et accessoirement le réquisitoire contre le De Gaulle monstrueux de la période 1959-1962, il ne faudra pas qu’elle s’étonne, la Gauche, comme par un châtiment de l’Histoire, d’être à nouveau battue en 2012.

A moins que la Gauche ne rejoigne pour leur prochaine manifestation Zohra Benguerrah et Hamid Gouraï qui, depuis le début de leur action, ont toujours clamé qu’ils accueilleraient chaleureusement et fraternellement tous les soutiens, d’où qu’ils viennent. Pour l’amour de la République et de la France. Mais aussi, dans leurs cœurs et dans leurs âmes, en mémoire de leurs pères, et au nom de l’Afrique et du peuple trahi.


Alexandre Gerbi





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11 sept. 2010

Harkis Vs Sarkozy

en ce moment à Paris...





Harkis

Vs

Sarkozy




par


Alexandre Gerbi





Depuis 16 mois (oui, vous avez bien lu…), Zohra Benguerrah et Hamid Gouraï, fille et fils de Harkis, assiègent l’Assemblée nationale, à Paris. Afin d’obliger Nicolas Sarkozy à tenir sa promesse de campagne, et reconnaisse les responsabilités de l’Etat français dans la tragédie de leurs pères. Ils appellent à une grande manifestation de soutien, ce mercredi 15 septembre, pendant la séance des questions au gouvernement.

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En cette année 2010, Cinquantenaire des « indépendances » africaines, il est de plus en plus difficile de contester qu’il y a cinquante ans, le mot magique « indépendance » permit de masquer le largage des populations africaines de la France, au nom du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », qui fut en réalité totalement bafoué. Voir en particulier l’Affaire gabonaise (1958), la Loi 60-525 (1960), et les conditions du référendum en Algérie (1962), avec pour résultat 99,72% de OUI pour l’indépendance…

De même, il devient très compliqué de nier que les populations africaines de la France furent mises au ban de la République par Charles de Gaulle, au gré d’étranges critères, raciaux, culturels et religieux. Afin d’éviter la « bougnoulisation » de la France (selon l’expression du Général, en coulisses…), mais aussi pour faire de substantielles économies (« cartiérisme », « complexe hollandais »), et accessoirement organiser le néocolonialisme qui détruit l’Afrique depuis un demi-siècle (voir La Tragédie du Général, de JR Tournoux, Plon, 1967 ; C’était de Gaulle, Alain Peyrefitte, Fayard, 1994 ; La Françafrique, de FX Verschave, Les Arènes, 1999).

La tragédie des Harkis

Dans ces conditions, il serait bon que l’Etat français reconnaisse ses responsabilités la tragédie qui frappa les Harkis et les Algériens francophiles. Ceux-ci furent interdits de rapatriement en 1962 par Charles de Gaulle. Désarmés, abandonnés, parfois livrés à leurs bourreaux, et finalement voués collectivement au massacre, selon un scénario dès longtemps annoncé. En parfaite connaissance de cause de la part des autorités françaises. Mais c’est qu’il fallait éviter à tout prix la « bougnoulisation » de la France, justement…

Selon les historiens, de juillet à octobre 1962, entre 45.000 et 200.000 Harkis et Algériens francophiles (voire davantage…) furent massacrés ou suppliciés, dans un immense déchaînement de terreur et de barbarie. Objectif : que plus jamais l’Algérie ne soit française, et que chacun en soit désormais bien d’accord… Il faut reconnaître que l’opération a parfaitement fonctionné, en particulier dans les banlieues françaises. Les Harkis y sont d’ailleurs souvent détestés…

Bravant les ordres et les menaces, au péril de leur carrière, certains officiers, conscients du désastre humain qui se préparait, aidèrent leurs hommes à gagner la métropole. Ces rescapés et leurs familles (à peine 15.000 personnes en octobre 1962, à la fin des trois grandes vagues de massacres ; par la suite, 70.000 rescapés reçurent l’autorisation de gagner enfin la France) furent aussitôt enfermés dans des camps dans le Midi, dans un extrême dénuement matériel et moral. Il est bon de réécouter le Bachaga Boualam, ancien vice-président de l’Assemblée nationale.

Gibier électoral

Aujourd’hui, l’inacceptable largage de l’Afrique comme le criminel abandon des Harkis, sont parfaitement connus des hommes politiques français.

A telle enseigne que pendant sa campagne présidentielle, en grand besoin de voix, Nicolas Sarkozy avait promis aux Harkis et à leurs descendants (aujourd’hui 500.000 personnes, donc pas mal d’électeurs potentiels…) :

« Si je suis élu président de la République, je veux reconnaître officiellement la responsabilité de la France dans l’abandon et le massacre de harkis et d’autres milliers de musulmans français, et je le veux afin que l’oubli ne les assassine pas une nouvelle fois ».

Malheureusement, une fois installé à l’Elysée, Nicolas Sarkozy, sixième président de la Ve République blanciste, leader de l’UMP (ex-RPR gaulliste) a subitement perdu la mémoire. Plus de trois ans après son élection, il n’a toujours pas tenu parole…

Deux de Gaulle, deux Pétain

On peut comprendre le silence de Nicolas Sarkozy. Car au petit jeu du fil et de la pelote, la reconnaissance par l’Etat de ses éminentes responsabilités dans la tragédie des Harkis induirait presque nécessairement la mise en examen du Charles de Gaulle de la « décolonisation ». Or devant le tribunal de l’Histoire, il se pourrait bien que ce deuxième de Gaulle soit condamné aussi lourdement que le deuxième Pétain... Car à regarder les choses en face et dans leur pénible entièreté, il apparaît qu’il y eut deux De Gaulle, comme il y eut deux Pétain : d’abord un incontestable héros (France Libre pour de Gaulle, Verdun pour Pétain) puis un personnage terrifiant (le de Gaulle de la « décolonisation », le Pétain de la collaboration). A l’heure où le culte médiatico-politique voué à de Gaulle atteint des sommets, de telles réalités historiographiques incitent l’Elysée, évidemment, à préférer l’abstention…

En attendant, les Harkis de France ont vécu le parjure de Nicolas Sarkozy comme une énième marque de mépris.

C’est pourquoi, depuis 16 mois, Zohra Benguerrah et Hamid Gouraï, fille et fils de Harkis, assiègent l’Assemblée nationale, dans le cadre d’une manifestation à durée illimitée. Afin d’obliger le président de la République à honorer sa promesse de campagne.

Seizième mois de siège

Au fil des mois, de loin en loin, les soutiens directs ou indirects se sont accumulés. André Genissieux pour le MRAP, Marie-George Buffet pour le PCF, Frédéric Mitterrand Ministre de la Culture, Jean-Marie Le Pen pour le FN, et quelque 70 députés de tous bords… Un attelage hétéroclite et clairsemé, le plus souvent extrêmement discret, qui n’a d’égal que celui des rares médias à avoir couvert l’événement : Rue89, Afrik.com, Camer.be, Radio Courtoisie, Présent, La Dépêche du Midi, et bien plus tard La Provence, France Culture, France Inter… Enfin, subrepticement, Libération et le Point.

Malheureusement, pour en arriver à ce fragile écho médiatique, il a fallu tenir mois après mois, au soleil comme dans l’hiver glacial, dans des conditions matérielles de plus en plus difficiles… Car à mesure que la mayonnaise médiatique et politique commençait de prendre, l’affrontement avec le système sarkozyen est allé crescendo. Jusqu’à la saisie de leur véhicule, qui leur servait de logement, et une mise en garde à vue, menottes aux poignets. Ils ont déposé plainte à chaque fois. En vain.

Pour les soutenir, Hamid et Zohra appellent à une grande manifestation de soutien, le mercredi 15 septembre, jour de débats à l’Assemblée nationale. Afin que Nicolas Sarkozy respecte ses engagements, et reconnaisse enfin les responsabilités de l’Etat français dans la tragédie des Harkis.

Avec à la clef, espérons-le, une véritable Révolution pour la France, qui en aurait tellement besoin…


Alexandre Gerbi


Manifestation de soutien aux Harkis du Palais Bourbon, 15 septembre 2010, de 10h à 19h, Place Edouard Herriot, Paris. Métro Assemblée Nationale.



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