13 sept. 2011

Comment l'Euro peut (encore) sauver l'Euro... et le reste !

une vis dévisse par vice...





Comment l'Euro peut (encore)


sauver l'Euro... et le reste !



par


Alexandre Gerbi




Il y a un an et demi, en mai 2010, je publiai successivement deux tribunes économiques sur le blog Fusionnisme, et une sous une forme plus courte, dans Rue89, intitulées : « Il faut assujettir la banque centrale européenne » et « Le choix calamiteux de Jean-Claude Trichet, de la BCE et des dirigeants européens ».

J’écrivais alors : « Le Traité constitutionnel européen, rejeté par le peuple français en 2005 puis passé en catimini par Nicolas Sarkozy et ses alliés de gauche en 2007, comportait de nombreuses clauses inacceptables. En particulier l’indépendance de la Banque centrale européenne (BCE). La crise grecque nous confronte à l’absurdité de ce principe, et à son extrême dangerosité. (…)

Pour aider la Grèce, l’Union européenne, ou plutôt la zone euro, en particulier la France et l’Allemagne, mais aussi l’Espagne et surtout le Portugal, sont conviés à jouer les bailleurs de fonds. Une façon, qui se veut habile, de court-circuiter le petit jeu auquel se livrent les agences de notation. Solidarité touchante, mais étrange quand on sait que l’Espagne et le Portugal sont plutôt mal en point, et menacés de dégradation par les très redoutées agences de notation basées à Wall Street, par ailleurs point de départ de la crise financière mondiale…

A ce stade, une question s’impose : à quel niveau d’émission de valeur sans contrepartie (c’est-à-dire sans bons du trésor en échange, contrairement à la pratique habituelle) la BCE provoquerait-elle une dévaluation de l’euro comparable à celle que la crise grecque a provoquée pour l’instant, soit dix à vingt centimes face au dollar US ? (…)

Une rupture de l’Europe avec l’orthodoxie monétaire, par l’assujettissement absolu de la BCE au pouvoir politique, permettrait, en libérant d’immenses moyens jusqu’à présent confisqués, d’ouvrir la voie d’une révolution qui serait peut-être la plus grande de l’histoire de l’humanité. En rendant une force de frappe financière à des Etats européens que la singulière attitude des marchés internationaux et des agences de notation états-uniennes mettent en porte-à-faux.

Alors, préférera-t-on laisser filer l’euro, quitte, en fin de compte, à le voir démanteler et disparaître, sous prétexte – quel paradoxe ! – de le préserver par respect scrupuleux et suicidaire de principes parfaitement contestables ? Tout au contraire, ne ferait-on pas mieux d’utiliser dès à présent ce merveilleux outil qu’est l’euro, encore essentiellement préservé à l’heure qu’il est, pour relancer l’économie européenne et développer ce grand partenaire naturel de l’Europe qu’est l’Afrique ? La science économique et la monnaie ne doivent-elles pas d’abord être envisagées comme des instruments à la disposition du politique, au profit du bien-être du peuple ?

Mais pareille approche impliquerait un courage et surtout une liberté de pensée à l’égard de tous les dogmes. Des qualités qui, depuis longtemps, font cruellement défaut au personnel politique du vieux continent, et nous conduisent au tombeau… »

Dans le second article, je notais :

« S’affranchir de l’orthodoxie monétaire aurait permis de dégager d’importantes liquidités « saines » (quelques dizaines, voire quelques centaines de milliards d’euros) pour colmater immédiatement les brèches budgétaires et relancer les économies des Etats en difficulté, sans faire peser outre mesure l’effort sur les particuliers, mais sur un cours de l’euro d’ailleurs encore inutilement haut. Par la même occasion, l’opération, en assujettissant la BCE aux gouvernements de la zone euro, aurait permis de lancer un signal fort à l’adresse des marchés, en rappelant qui est le vrai maître du jeu. Cerise sur le gâteau, l’opération aurait permis le lancement d’un vaste plan de développement de l’Afrique, partenaire incontournable et prioritaire pour l’Europe, à tout point de vue, y compris éthique et historique.

Le choix de la BCE et des gouvernements européens est exactement inverse : faire peser l’effort sur les Etats et, partant, sur les particuliers, sous prétexte de protéger l’euro. Le tout sans jamais inscrire l’opération dans le cadre d’une stratégie plus vaste... Ce qui risque, en définitive, de provoquer tout de même une chute de la devise européenne dans des proportions plus graves encore.

A l’arrivée, nous risquons d’être perdants sur tous les tableaux. Car l’avantage reste, une fois de plus, dans le camp des marchés et des agences de notation, pourtant responsables dans une large mesure de la crise financière. Avec, en face, les Etats européens, comme toujours égotistes, aveugles ou pusillanimes.

Que l’euro dégringole ou explose en vol, la planche à billet désormais bel et bien interdite, ils seront Gros-Jean comme devant… »

Un an et demi plus tard, où en sommes-nous ?

L’euro s’est à peu près maintenu face au dollar, ce qui pourrait inciter à penser que la monnaie européenne a résisté jusqu’à présent. Résistance en trompe-l’œil, en réalité, car pendant la même période, l’euro s’est écroulé, par exemple, face au franc suisse ou au dollar canadien. Quant au yuan chinois, les grands argentiers du monde, habituellement adeptes de la loi souveraine des Marchés, seraient bien gentils de nous expliquer au nom de quoi ils acceptent que l’Etat chinois le manipule à discrétion, en le maintenant à des niveaux artificiellement bas…

Quoi qu’il en soit, de fait, c’est parce que le dollar, à l’image de l’économie US, s’écroule lui aussi, que l’euro, bien que lui-même en phase d’effondrement, se maintient face à la devise états-unienne… Deux pierres qui chutent en même temps peuvent paraître immobiles l’une par rapport à l’autre…

A l’heure qu’il est, de nombreux économistes prédisent l’implosion prochaine de la zone euro, ou de l’euro lui-même.

Dans cette perspective éventuelle, et pendant qu’il en est encore temps, nous ne saurions trop réitérer les impératifs que nous énoncions il y a un an et demi : assujettissement de la Banque Centrale Européenne (BCE), émission immédiate de 1000 milliards d’euros affectés, pour un tiers, au refinancement à taux 0% de la dette grecque et des autres Etats européens en difficulté (Irlande, Portugal, Espagne…), pour un tiers au lancement de grands travaux en Europe (UE), et pour un dernier tiers au déploiement d’un vaste programme d’enseignement pour les populations africaines (assorti, pourquoi pas, d’un programme de sécurité sociale pour les mêmes populations), en coordination avec des Etats africains volontaires et partenaires pour ce grand projet. Le total des émissions monétaires de la BCE pouvant s’élever à 2000 voire 3000 milliards d’euros sur 5 ans (2011-2016), voire davantage si l’opération se révèle, dans ses applications, encore plus efficiente.

Car bien évidemment, pour éviter que pareil plan n’entraîne une dévaluation excessive (quoique souhaitable si elle est modérée, c’est-à-dire de l’ordre de 20% à 25% face au dollar US) de la monnaie européenne, il conviendra d’utiliser cette manne financière avec discernement, comme je l’ai déjà expliqué dans les articles de 2010 évoqués plus haut. Il conviendra aussi, pour faire pièce aux agences de notation anglo-saxonnes et chinoise, que l’Union Européenne et la BCE reprise en main créent très rapidement une Agence de Notation et d’Evaluation Européenne (ANEE).

A défaut, l’euro risque bel et bien d’exploser, et le retour au franc, préconisé de façon notamment par Marine Le Pen, limitera drastiquement voire nous privera de la planche (à billets) de salut que constitue encore, à l’heure où j’écris ces ligne, la monnaie européenne.

Il nous restera alors nos yeux pour pleurer et regretter amèrement de n’avoir pas su profiter de ce formidable outil qu’est (ou qu’était…) l’euro, et de l’avoir, pour cette raison même, détruit.

Alexandre Gerbi





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