26 nov. 2013

Affaire Taubira : Décryptage politico-historique d’une imposture aux effets délétères





Affaire Taubira :

Décryptage politico-historique

d’une imposture aux effets délétères



par

Alexandre Gerbi




Évidemment, il faut garder au cœur et à l’esprit l’injure criminelle qui fut faite à l’Homme noir dans les temps modernes : classement pseudo-scientifique dans la sous-humanité, voire négation de l’humanité, mépris racial sur fond et au service de l’esclavage et du colonialisme. Et du reste, je ne suis pas bien sûr que l’horreur ait, à ce jour, cessé. Pour l’Homme en général, d'ailleurs. Car au bout de l’analyse, alors que l’on s’apprête à commémorer le centenaire de la grande boucherie de 14-18, on conviendra que la couleur de peau importe peu devant la broyeuse de chair humaine qu’est l’Histoire, où aux côtés des Noirs, les Blancs ont connu, eux aussi, leur lot d’atrocités, de la part de leurs chefs ou de la part des chefs des autres…

Ceci étant nettement posé, est-il bien raisonnable, à partir d’une image au goût plus ou moins douteux (une photo de bébé singe et la photo de la ministre, ainsi légendées : « A 18 mois » et « Maintenant ») mise en ligne par une candidate du FN qui, interrogée à ce sujet, s’est défendue de tout racisme, et a été au demeurant formellement désavouée par son parti, et d’un slogan débile se voulant insultant (« Taubira, mange ta banane ! ») scandé par une enfant de douze ans, d’y voir la résurrection, le triomphe, ou même la manifestation de l’idéologie selon laquelle le Noir serait inférieur au Blanc ? Sautant sur l'occasion, Minute, journal notoirement connu, et ce depuis des décennies, pour ses positions infâmes et ses formules abjectes, engage-t-il la France quand il titre cyniquement : « Maligne comme un singe, Taubira retrouve la banane » ?

A vrai dire, ils sont bien rares, aujourd’hui en France, ceux qui croient à l’infériorité et à la supériorité des races. Hormis quelques illuminés ou détraqués ultra minoritaires, dans la grande masse des Français, chacun sait que ce qui détermine l’homme, c’est son éducation et non sa race, et ceci comme une plate évidence. Et que si montée des antagonismes il y a dans la société française contemporaine, cette montée n’est pas fondamentalement raciale, mais bien plus sociale, religieuse ou civilisationnelle. Et la race, en tant que telle, n’a rien à y voir. Cela, tout le monde, à de rares « cas » près, le sait aussi, clair comme de l’eau de roche, comme on dit en France.

Ce qui, au passage, peut expliquer pourquoi personne n’a songé, dans un premier temps, à voler au secours de Christiane Taubira. L’attaque, sur le fond, étant jugée dérisoire par son absurdité et/ou sa grossièreté mêmes...

Alors, pourquoi tout ce tintouin ?

Cette « Grande lessive » qu'il faut taire

Il y a, bien sûr, l’explication martelée par Eric Zemmour : comme au bon vieux temps de tonton Mitterrand, l’antiracisme dont se tartine une certaine gauche sert de masque au gouvernement socialiste, afin de noyer le poisson de sa politique. C’est-à-dire de sa trahison, bruxelloise, ultralibérale et antisociale. L’Elysée espérant ainsi redorer son blason à bon compte, comme il chercha à le faire, voilà quelques mois, avec le mariage homo, quitte à attiser l'homophobie et à radicaliser la droite… Et puis, toujours instrumentalisant l'antiracisme dans l’héritage mitterrandien, du même coup dézinguer Le Pen, en l’accusant d’être le deus ex machina du racisme de la « France moisie ». Comme si le problème n’était pas nettement plus profond…

Car est-ce vraiment tout ?

On l’a dit, l’affaire Taubira est une énième gesticulation, une énième feinte d’un Système qui singe en permanence, c’est le cas de le dire, un antiracisme de comédie aux indignations ostentatoires et sélectives, sous les ors d’une république en liquéfaction. 

Mais cet antiracisme, s’il permet de masquer des turpitudes ultracapitalistes, néocolonialistes et atlantistes, s’il permet (du moins jusqu’à présent…) de circonvenir le phénomène Le Pen, aide aussi, et d’abord, le régime de refouler sa vraie nature et ses origines, éminemment honteuses.

Bien que le petit monde médiatico-politique et intellectuel français fasse mine de n'en garder nul souvenir, la Ve République fut naguère fondée sur un grand dessein raciste et politiquement suicidaire, travesti en triomphe de la liberté et de la grandeur nationale. Une sombre page d’histoire qui serait frappée de prescription, si elle n’était la cause principale de la plupart des maux qui rongent aujourd’hui la société française. Symptomatiquement, l’idole trône plus que jamais au panthéon du Système : Charles de Gaulle alias le Général, fondateur de laVe République blanciste, jamais avoué(e) comme tel(le). Ni à droite, ni à gauche, ni, plus singulièrement, dans le camp des boutefeux de l’antiracisme…

Ainsi, entre autres exemples, je ne sache pas que Christiane Taubira, personnage politique de premier plan depuis bien des années en France, ni Harry Roselmack, journaliste de premier plan depuis bien des années, aient jamais pris la parole avec tant d’ardeur pour dénoncer le Charles de Gaulle des années 1958-1962, auteur du « dégagement », du grand largage, de la « Grande lessive » qui permit, selon les mots du grand homme, de soustraire la France à la « bougnoulisation » mais aussi, selon ses hantises, à l’islamisation. Avec cinquante ans de recul, à chacun d’estimer si le but est atteint... Quoi qu’il en soit, Christiane Taubira et Harry Roselmack, qui tous deux connaissent parfaitement le dossier, Ultramarins rescapés de la « Grande lessive » qu’ils sont, se taisent. Comme les autres. Est-il besoin de gloser davantage sur pareils silences ?

Ici, avant la chute, j’invite le lecteur amateur de mise en perspective historique et politique, à (re)lire les discours d’Alger et de Mostaganem de Charles de Gaulle en 1958, discours théoriquement fondateurs de la Ve République. Que chacun se demande, surtout, pourquoi il n’a jamais entendu parler de tout cela, pas plus que de l’Affaire gabonaise, ni de la Loi 60-525, pas plus que des quarante six députés algériens que compta un jour la République. A ce sujet, j’ajoute, s’il m’est permis, cette analyse de la « révolution de 58 » et de ses suites dantesques, dans La République inversée, affaire algérienne et démantèlement franco-africain.

Avec à l’esprit cette toile de fond jamais expliquée et toujours obstinément non-dite par ceux qui nous gouvernent (il faut laisser le bas peuple dans l’idée que l’Outre-Mer, Afrique en tête, a arraché l’indépendance et voulait absolument se débarrasser de la France) mais parfaitement connue et sue des milieux autorisés (j’ai testé pour vous, depuis au moins sept ans…), on peut comprendre combien Christiane Taubira et Harry Roselmack, comme une bonne partie de l’intelligentsia politique et médiatique franco-africaine, quelle que soit sa couleur de peau, travaillent au mensonge historique qui sape les fondements de notre société, de notre pays et de notre monde. Sans en avoir bien conscience, peut-être. Mais sans doute pas pour le meilleur, ni au service de qui que ce soit, Noir ou Blanc, Français ou Africain. Et surtout Homme avant tout…

Alexandre Gerbi


1 Comments:

At 4/12/13 22:14, Blogger Sophie de Clauzade said...

Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

 

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