8 avr. 2013

Affaire Cahuzac : Hollande doit faire voter la proportionnelle puis dissoudre l'Assemblée nationale



Affaire Cahuzac :


Hollande doit faire voter 



la proportionnelle


puis dissoudre l'Assemblée nationale




par 

Alexandre Gerbi




Chacun le pressent, l’affaire Cahuzac est loin d’être close. Et ses suites dépendent en grande partie de la personnalité de l’ancien ministre du Budget, et de ce que seront ses réactions dans les circonstances, pour le moins étonnantes, que l’homme traverse ces temps-ci... Afin d’envisager ce qui pourrait advenir dans les prochains jours, les prochaines semaines, les prochains mois, essayons de nous mettre, l’espace d’un instant, dans la peau de Jérôme Cahuzac… Avant de donner un ou deux conseils à François Hollande… 


Certains observateurs, en particulier dans la presse étrangère, ont avancé que Jérôme Cahuzac, dont on ignore à l'heure qu'il est le montant exact des évasions fiscales et l'étendue des délits, ne serait que l’arbre qui cache la forêt des turpitudes de notre classe politique. Dans cette hypothèse, que peut bien se dire le sieur Cahuzac en son mystérieux exil, tandis que la menace de la prison s’ajoute à celle de la proscription ? Qu’il n’a pas envie de payer pour tous les autres ? Que les Tartuffes abondent, immondes, qui le vouent depuis quelques jours aux gémonies, à la trappe, le traitent de tous les noms, alors qu’eux-mêmes mériteraient le même sort ?

Et si, dans ces circonstances écrasantes, Jérôme Cahuzac, dos au mur, tétanisé, fait comme un rat, plus rien à perdre, s’avisait de se mettre à table pour se livrer à un grand déballage ? Perdu pour perdu, Cahuzac, qui a déjà amplement démontré son cynisme, tiendrait sa vengeance et son suprême bouclier. Car ayant tout balancé, qui songerait alors à le faire taire... Cahuzac devenu fou, combien d’huiles sortiraient broyées de son moulin à paroles ? Combien de légumes dans la soupe ? Avec l’implosion de la Ve République comme surprise du chef ? Née du mensonge, la Ve mourrait ainsi du mensonge… De Charles de Gaulle à Jérôme Cahuzac, trajectoire d’un effondrement historique au fil du cynisme et de la transgression…

Dans ce contexte plein de promesses, la logique voudrait que les drapeaux tricolores, rouges et noirs déferlent dans les rues. Jean-Luc Mélenchon, qui connaît son histoire, appelle à une manifestation populaire, au cri de « A la niche ! » et « Du balai ! » L’initiative, bien sûr, est bonne. Blasé par les scandales en cascades depuis des années, le peuple peut-il se permettre de rester encore les bras croisés, face à l’ampleur du présent scandale ? Tandis que, n'y voyez aucune corrélation, le bateau France, économiquement, socialement, moralement, civilisationnellement, sombre… 

Un mode de scrutin qui mine les institutions 

Malheureusement, cette initiative du madré Méluche pèche par son mot d’ordre, en faveur d’une hypothétique VIe République. En effet, ce qui a pourri le régime et donne à voir (ou à entrapercevoir) un aspect de ses effets dans l’affaire Cahuzac, ce ne sont point tant les institutions que le mode de scrutin. Savant découpage des circonscriptions, seuils relevés pour empêcher les outsiders de se maintenir au second tour, monopole plus ou moins caricatural de l’espace médiatique, complicité de la presse subventionnée, collusions entre amis, etc. permettent, depuis des lustres, de composer un parlement où sont outrageusement surreprésentés deux seuls partis, le PS et l’UMP, régnant en maîtres. Les rares rescapés n’étant là que par le bon vouloir de ces messieurs, ou à cause d'accidents marginaux de la belle machinerie. Ainsi se fabrique un parlement où le Front de Gauche et le Front National sont ridiculement sous-représentés : moins de quinze députés pour les Front de Gauche, deux pour le Front National, au lieu des quelque soixante et cent députés qu’ils auraient respectivement, si le scrutin proportionnel était en vigueur, puisque ces deux formations totalisent près du tiers de l’électorat... Est-il besoin de démontrer le caractère délétère d’une telle situation, ne serait-ce que parce qu’elles repose et débouche sur une trahison de la démocratie ? Car il va sans dire que le FDG et le FN ne sont pas les seules victimes. Par exemple, l’extrême gauche (LO, NPA etc.) est totalement absente de l’Assemblée… A ce degré, difficile de s'étonner que s'accumulent les dérives, à l'ombre d'un parlement caricatural, d'une démocratie vidée de son sens, devenue césarienne jusqu’à l’ubuesque et au kafkaïen, entre manquements, collusions, abus de toute sorte et déconnexions…

De là, le mot d’ordre de la manifestation à laquelle appelle de Front de Gauche ne doit pas être « Pour la VIe République » mais « Vote immédiat de l’instauration de la proportionnelle intégrale aux élections législatives, puis dissolution de l’Assemblée nationale et élections législatives anticipées ».

Les institutions de la Ve République ont prouvé leur solidité lors des cohabitations successives et des différentes crises que le régime a traversées en un demi-siècle. Sans doute la proportionnelle intégrale mettra la Constitution à rude épreuve, dans un contexte où, de surcroît, plusieurs crises d’une exceptionnelle ampleur se conjuguent. Y résistera-t-elle ? Prouvera-t-elle qu'elle possède les ressources qui, la bouche en cul de poule, lui sont prêtées depuis des décennies par les "experts" ? A moins qu'à cette occasion, la Ve République ne démontre que ses institutions ne peuvent s'accommoder que d'un mode de scrutin antidémocratique...

En tout cas, instaurer la proportionnelle et procéder à une dissolution dans la foulée, ce serait accomplir de facto une métamorphose de la Ve République, presque une Révolution. De bonapartiste, la république redeviendrait parlementaire, c’est-à-dire qu’elle renouerait avec la tradition républicaine française. En espérant que l’éclatement en plusieurs pôles de l’Assemblée ouvrira la voie au débat démocratique et républicain, à de pertinentes réorientations (assujettissement de la Banque centrale européenne, création monétaire pour effacement partielle de la dette et lancement de grands travaux, mais aussi fusionnisme avec l’Afrique en vue de l'Eurafrique), à des consensus éclairés, à de fécondes coalitions, et non à une instabilité inefficace, une guéguerre alimentée de mauvaise foi et de théâtre d’ombres, d’idéologies bornées, de haines recuites, de fausses candeurs et d’hypocrisies à la pente fatale. Ce sera là la responsabilité des députés qui composeront la première assemblée nationale vraiment représentative du peuple depuis bien longtemps sous les cieux de France. On est en droit d’espérer, compte tenu de la gravité des dangers qui planent sur notre pays, que ces député(e)s seront à la hauteur. La stabilité et la survie du régime, celle même de la France, sans doute, en dépendent…

Alexandre Gerbi