5 févr. 2014

L’ignorance (ou l’hypocrisie) de Michel Onfray (et de Jean-François Kahn et consorts)

 

 

Trahison gaullienne :

 

 L’ignorance (ou l’hypocrisie...) 

 

de Michel Onfray,

 

de Jean-François Kahn et consorts

 

 


par

Alexandre Gerbi





L’immense trahison à laquelle se livre François Hollande depuis son élection à la présidence de la République soulève la question de la fidélité en politique. « Vaste programme », pourrait-on ajouter, en songeant au Général… C’est dans ce contexte que, récemment, quelques petites vedettes intellectuello-médiatiques étaient invitées à aborder ce sujet dans une émission télévisée. Le débat fut l’occasion d’un très joli feu d’artifice de mensonge et de contrevérités historiques et politiques, qui méritent une petite explication…


Contrairement aux apparences, l’Histoire n’est pas une discipline facile d’accès. C’est parce qu’ils n’ont pas compris cette évidence que beaucoup de gens se croient autorisés à s’aventurer sur ce terrain broussailleux, au risque de dire beaucoup de bêtises. Récemment, Michel Onfray a illustré, à son détriment, ce cruel principe. Il est vrai que nombre de « philosophes », ou prétendus tels, se croient possesseurs d’une science universelle, qui les autorise à parler avec des airs doctes et sûrs de tout et n’importe quoi. Or pas plus que les mathématiques, la plomberie-zinguerie ou encore le saut à la perche (voire le journalisme…), la philosophie ne transforme celui qui s’y entend en historien compétent.

Ainsi, dans l’émission de Franz-Olivier Giesbert, « Les Grandes Questions », le 1er février 2014, sur France 5, on assista à cet échange confondant d’ignorance (ou d’hypocrisie, comme on le verra…) entre Michel Onfray, Jean-François Kahn et Franz-Olivier Giesbert :

Michel Onfray : J’ai trouvé votre reportage un peu injuste pour le général de Gaulle qui, lui, justement, était le prototype du personnage fidèle…
Jean-François Kahn : Je suis d’accord avec lui [c’est-à-dire avec Michel Onfray]…
Franz-Olivier Giesbert : Pas trop sur l’Algérie quand même !
Michel Onfray : Ben si, c’est quelqu’un [le général de Gaulle] qui…
Franz-Olivier Giesbert : Ben non, sur l’Algérie, il [le général de Gaulle] dit "je vais la garder", il dit aux Pieds-Noirs "je vous ai compris", et puis bon...
Jean-François Kahn : C’est plus ambigu ! C’est plus ambigu !
Michel Onfray : Non mais, "je vous ai compris", il [le général de Gaulle] n’a pas dit ce qu’il avait compris…
Jean-François Kahn : Oui, ben voilà ! Il [le général de Gaulle] n’a pas dit ce qu’il avait compris… Il [Michel Onfray] a raison !
Franz-Olivier Giesbert : Oui, enfin bon… C’était un petit peu tordu…

A la minute 5’55’’ :
 

En réalité, si Franz-Olivier Giesbert fait ici de très pertinentes remarques, il commet en revanche une petite erreur : le 4 juin 1958, à Alger, jour où De Gaulle prononça son fameux « Je vous ai compris », le Général ne s’adressait pas seulement aux Pieds-Noirs,mais aussi aux Arabo-Berbères d’Algérie.

En effet, face à De Gaulle se tenait, ce jour-là, une foule mélangée, comme cela fut d’ailleurs également le cas le surlendemain, à Mostaganem. Car depuis le mois de mai, les manifestations qui soulevaient l’Algérie étaient marquées par de spectaculaires scènes de fraternisation des communautés (dans lesquelles le journaliste Jean Daniel, alors témoin oculaire, crut voir « une nouvelle nuit du 4 août ») soudainement unies, après trois ans et demi de guerre, pour faire sauter le régime de la IVe République qui refusait obstinément de reconnaître les Arabo-Berbères comme des Français à part entière.

Dans les deux cas, à Alger (4 juin) puis à Mostaganem (6 juin), contrairement à ce qu’affirment Michel Onfray et Jean-François Kahn, les discours tenus par le Général ne laissèrent aucunement place à l’ambiguïté, comme pourront s’en convaincre tous ceux qui prendront le temps de (re)lire les discours en question.

Par son « Je vous ai compris », de Gaulle signifia à la foule qui l’acclamait qu’il avait compris que les populations d’Algérie souhaitaient, pour en finir avec la guerre, une révolution institutionnelle conforme à l’esprit de la République et de la France, révolution consistant à donner (enfin !) l’égalité politique à tous les habitants des départements algériens. C’est-à-dire accorder la citoyenneté française pleine et entière (et non une sous-citoyenneté, comme c’était le cas jusque-là) à tous les Arabo-Berbères. C’est d’ailleurs ce qui fut fait, à la faveur de la nouvelle constitution (celle de la Ve République, approuvée par référendum par le peuple français, le 28 septembre 1958). C’est ainsi qu’aux élections législatives de novembre 1958, les populations arabo-berbères votèrent en tant que citoyens français à plein titre, et que quarante-six députés arabo-berbères prirent place au Palais Bourbon, fait inédit dans l’Histoire.

Alors, pourquoi Michel Onfray soutient-il une contrevérité, en invoquant une prétendue « ambiguïté » du discours d’Alger de juin 1958 ? Et pourquoi Jean-François Kahn l’appuie-t-il dans cette grossière erreur ?

Pour au moins trois raisons.

1/ D’abord, parce que l’idée selon laquelle le « Je vous ai compris » de De Gaulle était « ambigu » ou « équivoque » est le mensonge systématiquement servi par les gaullistes et leurs alliés depuis l’époque, stratagème visant à enfouir l’incroyable trahison des engagements pris devant les populations d’Algérie, trahison à laquelle se livra patiemment le Général durant les années suivantes (depuis le largage de l’Afrique noire, en 1960, jusqu’à celui de l’Algérie, en 1962).

Car De Gaulle, s’il avait besoin de se réclamer du projet de l’intégration (c’est-à-dire de l’égalité et de la fraternité dans l’ensemble franco-africain, par delà les races et les religions) pour justifier renversement du régime et prendre le pouvoir, le même De Gaulle ne voulait en réalité à aucun prix de cette égalité qui, à ses yeux et selon ses mots, aurait conduit à la « bougnoulisation » et à l’islamisation de la France. Cette vision, d’inspiration barrésienne (l’expression « Je me suis toujours fait une certaines idée de la France », à laquelle Michel Onfray fait d'ailleurs référence, est empruntée à l’auteur de La Terre et les Morts), guida sa politique de « dégagement » d’Algérie et d’Afrique pendant la période. Cette volonté de dégagement, officiellement pour des raisons financières mais plus fondamentalement pour des raisons civilisationnelles (et religieuses…), le Général l’avoua d’ailleurs dans ses Mémoires d’Espoir (Plon, 1970), mais aussi, notamment, à Alain Peyrefitte qui livra des verbatim très éclairants à ce sujet dans C’était De Gaulle (Fayard, 1994).

2/ Ensuite, parce que Michel Onfray est, sur le fond, parfaitement d’accord avec les choix de De Gaulle concernant l’Algérie voire l’Afrique noire. En effet, j’ai eu l’occasion, l’année dernière, d’échanger, par email, avec Michel Onfray. Celui-ci ne m’a pas caché ce qu’il pense, à savoir que le projet de l’intégration, c’est-à-dire l’octroi de l’égalité aux populations arabo-berbères, ou si l’on préfère, musulmanes d’Algérie, était une folie ou plutôt, pour reprendre ses termes, relevait d’un « irénisme total  ».

En d’autres termes, Michel Onfray pense, comme Charles de Gaulle, que le projet d’unir dans une République fraternelle et égalitaire « Européens » et « Arabo-Berbères », chrétiens et musulmans, relevait d’un rêve naïf et impossible (voire périlleux…). Un rêve qui, comme je l’ai montré dans mes travaux (notamment Histoire occultée de la décolonisation franco-africaine, L’Harmattan, 2006, et La République inversée, L’Harmattan, 2011), fut conçu en particulier par Claude Lévi-Strauss et Jacques Soustelle, qui formaient, à l’époque, l’avant-garde de l’école anthropologique française. Ces deux hommes, ethnologues d’envergure internationale, furent en effet les véritables cerveaux de la Révolution de 1958 dont de Gaulle tira les ficelles et fit mine de vouloir prendre la tête, afin de mieux la trahir… Dans ses confidences à Peyrefitte, De Gaulle livra d’ailleurs le fond de sa pensée : « Ceux qui prônent l’intégration [en Algérie] ont une cervelle de colibri, même s’ils sont très savants ! » Lévi-Strauss et Soustelle comptant, on le comprend, parmi les « cervelles de colibri » en question…

3/ Quant à Jean-François Kahn, jeune journaliste à l’époque de la trahison gaullienne (1959-1962), il approuva la politique du Général. Et depuis un demi-siècle, comme tant d’autres (notamment le cas Max Gallo, particulièrement carabiné…), il s’est fait le complice des mensonges qui permirent à De Gaulle de masquer l’ampleur de sa trahison et de son crime. En attendant la retraite, ou l’arrêt de l’arbitre, Jean-François Kahn perpétue les menteries qui lui permettent, sans doute, de ménager sa bonne conscience dans le miroir, et son image devant la galerie…

En guise d’épilogue, Michel Onfray, ne reculant devant aucune audace, osera dans la suite de l’échange se réclamer de la « Vérité », « le boulot du philosophe » selon ses termes, après avoir asséné (sans rire…) cette énormité : « Je trouve que si on a vraiment un prototype d’homme fidèle en politique, ça a vraiment été De Gaulle. Les autres, en revanche, pas du tout. Ceux qui ont tout dit et le contraire de tout pour arriver au pouvoir, pour s’y maintenir, pour être réélus, c’est devenu une profession. »

On ne saurait trop conseiller à Michel Onfray, lui qui se vante volontiers de tout lire avant d’écrire et de parler, de (re)lire mot-à-mot les discours d’Alger et de Mostaganem, d’étudier sérieusement la période 1958-1962 (sa saillie sur la paix des braves refusée par le FLN franchit le « mur du çon », quand on sait que ledit FLN fut écrasé militairement entre 1959 et 1961, avec le plan Challe…), de se pencher sur l’Affaire gabonaise (violation de l’article 76 de la Constitution) et la Loi 60-525 (quadruple violation de la Constitution). Ou bien de changer de lunettes. Ou encore, plus simplement encore, d’arrêter de se réclamer de la « Vérité » comme il le fait, tel le Tartuffe. Et, surtout, de ne plus s’aventurer sur les terrains broussailleux de l’Histoire que sur la pointe des pieds, et avec un peu plus d’humilité. Ou d’honnêteté…

2 févr. 2014

De Dieudonné à Taddeï : Chronique d’une dérive étatique et judiciaire


Article publié sur AgoraVox 
le 24 janvier 2014





De Dieudonné à Taddeï :

Chronique d’une dérive

étatique et judiciaire



par

Alexandre Gerbi




Au-delà de l’effroyable crise de société, d’identité et même de civilisation qui mine dangereusement la France, l’affaire Dieudonné illustre les responsabilités d’un Etat et d’une justice devenus trop souvent impuissants. Et charrie d’autres menaces, tout aussi inquiétantes, que pourrait illustrer le sort réservé, dans la foulée, à Frédéric Taddeï…


L’impunité dont a bénéficié, de fait, Dieudonné, en ne payant pas ses amendes, l’a évidemment encouragé à aller toujours plus loin dans l’infamie et le lamentable. Cette même impunité judiciaire entraîne chaque jour, en France, nombre d’individus sur le chemin de la violence, du vol ou de la corruption, en en faisant, peu ou prou, des ennemis de la société. Depuis les malfrats et les criminels divers et variés jusqu’à l’ineffable Jérôme Cahuzac.

L’erreur colossale du Crif, de Valls et consorts, fut non seulement d’accorder une caisse de résonance gigantesque aux élucubrations de Dieudonné, mais aussi, ce qui est sans doute encore plus grave, de sembler les accréditer.

D’abord en obtenant l’interdiction de sa pièce Le Mur, événement pour ainsi dire sans précédent en France. Une censure a priori totalement contraire au droit, comme l’ont relevé nombre d’éminents juristes, y compris de gauche. Ce faisant, le « lobby juif » tant décrié par Dieudonné, dont le rôle est ici joué par le Crif, obtient l’impensable. Cerise sur le gâteau, pivot de l’opération, on vous le donne en mille : au Conseil d’Etat, un juge unique et… juif !, qui tranche, à lui tout seul, dans un sens que tous les maîtres « quenelliers » de France ont eu beau jeu de juger, ipso facto, prévisible autant qu’édifiant. A ce petit jeu-là, les antisémites se régalent et le moulin de Dieudonné tourne à plein régime, inondé de grain à moudre…

Comme si le désastre n’était pas assez complet, le Crif a assimilé, dans le même mouvement, la quenelle à un « salut nazi inversé » (sic). Autrement dit, le geste anti-Système, dont le succès rencontrait un public de plus en plus large ces dernières années (avec un effet d’accélération ces derniers mois, à la grande inquiétude de ses cibles favorites, grosses légumes dudit Système…), est ramené à un geste fanatiquement anti-Juif ! Pour un Dieudonné qui s’évertue, à longueur de spectacles et d’interviews, à inscrire le signe « égale » entre Système et Juif, quel cadeau sur plateau d’argent ! Son public peut saluer d’une quenelle « épaulée » la performance de l’artiste…

Evidemment, dira le cynique, cet amalgame, dont on vient de voir la dangerosité, arrange bien le Système. En effet, celui-ci croit avoir trouvé là un bon moyen de se débarrasser d’un phénomène devenu des plus gênants. Car la quenelle s'est muée en un jeu : parvenir à se faire photographier en l’exécutant aux côtés de personnalités, en particulier politiques, l'image ainsi obtenue ayant pour vocation à être mise en ligne sur la Toile. Avec l’accusation d’antisémitisme, le Système a trouvé (ou a cru trouver…) le moyen d’interdire et d’éradiquer un geste qui le visait et l’atteignait symboliquement et cruellement (en photo) de plus en plus souvent. Mais à quel prix ? Et, au vrai, avec quel succès ?

Quoi qu’il en soit, à la faveur d’une justice impuissante et d’une politique de Gribouille, les spectacles de Dieudonné, depuis dix ans, s’enfonçaient progressivement dans l’antisémitisme le plus grossier, obsessionnel et malsain… Une dérive qui, au bout du compte, a servi de justification à l’interdiction pure et simple d’un de ses spectacles, mais aussi du geste de la quenelle ! Drôle de micmac…

Or, au-delà de leurs ignominies, force est de constater que les spectacles de Dieudonné sont aussi parfois de formidables moments de comique subversif, c’est-à-dire de satire éclatante de vérité... Car si à son antisémitisme répond une islamophilie, voire une « islamistophilie » assumée, Dieudonné a, dans bien des domaines, la dent dure et fait preuve d’un courage certain… dont sont, du reste, bien incapables la plupart de ses détracteurs…

Ainsi, et je m’en tiendrai à cet exemple, j’observe que depuis la publication de Histoire occultée de la décolonisation franco-africaine, mon essai maudit, Dieudonné est le seul homme de spectacle, et même le seul personnage public français, a avoir ouvertement soutenu mon étrange thèse, qui est aussi un tabou puissant et majuscule. Dans un sketch d’ailleurs hilarant et remarquable, Le président africain (dans le spectacle J'ai fait le con, en 2008). 

Quel est ce tabou puissant et majuscule ? Celui du largage, il y a un demi-siècle, des territoires et populations d’Afrique par Charles de Gaulle, figure tutélaire du Système (auquel, selon un paradoxe qui n'est qu'apparent, le Général prétendit s’opposer… afin de mieux accomplir ses plus sombres desseins…), pour d’inavouables calculs civilisationnels et financiers, le tout sous couvert d’indépendance (fictive). Ce non-dit énorme et complexe (il faut prendre le temps d’y réfléchir, ses implications sont cyclopéennes et minent en profondeur notre époque…) trône au panthéon des mensonges sur lesquels est bâtie la catastrophique Ve République.

A partir de la minute 7'50 :



On le pressent, l’affaire de Dieudonné ne se résume pas à la caricature manichéenne que certains nous servent, du méchant Dieudonné entièrement noir (c’est le cas de le dire) face à un Système entièrement blanc (c’est encore le cas de le dire). Et il est éminemment regrettable que, derrière le juste combat contre l’antisémitisme, se profile le spectre d’une censure dont bien malin pourra dire où elle s’arrêtera…

D’ailleurs, les choses n’ont pas tardé à s’accélérer. Ainsi a-t-on appris que Frédéric Taddeï verrait son émission Ce soir, où jamais ! sinon déprogrammée, du moins, dans un premier temps, repoussée à minuit, soit à un horaire à la fois incongru et potentiellement périlleux pour son avenir… Une mesure qui pourrait bien ressembler à une porte de sortie…

Notons, avec d'autres, qu’il est des plus singulier que certains qui hurlent (à juste titre) sur le « Chaud-Ananas » de Dieudonné soient les complices, par exemple, des Femen qui ont profané récemment l’église de la Madeleine ou Notre-Dame, à Paris. Ci-devant, Caroline Fourest ou Patrick Klugman, respectivement chantre médiatique et avocat officiel desdites Femen.

Car s’il est inacceptable, comme le fait Dieudonné, de verser dans l’infâme et l’abominable (évidemment, on ne peut danser et chanter à répétition, rigolard, sur le souvenir des suppliciés, qu’ils soient juifs ou pas, qu’ils soient instrumentalisés ou pas), il est également inacceptable de profaner un lieu sacré, qu’il soit monothéiste ou païen. Qui ne voit que s’en prendre à un temple, un mausolée ou une sépulture, c’est verser dans la barbarie ? Qui ne voit que Dieudonné et les Femen, en l’occurrence, ne sont pas si éloignés, quelles que soient, par ailleurs, leurs utilités respectives ? Et qui ne voit que les indignations à géométrie variable font le jeu de tous les extrémistes ?

Manifestement, l’affaire Dieudonné laisse espérer à certains de ses ennemis les plus acharnés, non seulement de pouvoir continuer de couvrir des ignominies sacrilèges contraires à nos valeurs démocratiques les plus fondamentales, mais aussi de pouvoir bâillonner la liberté d’expression, foulant ainsi aux pieds un principe essentiel de la République.

En ligne de mire, donc et par exemple, Frédéric Taddeï, coupable d’inviter dans son émission Ce Soir, ou jamais ! des « cerveaux malades » comme Dieudonné, selon l’élégante expression de Patrick Cohen, journaliste à France Inter et France 5 et cible logiquement choyée en retour par Dieudonné (avec toute la lourdeur ignoble dont celui-ci est capable).

Plus récemment, au terme d’une émission au cours de laquelle il avait donné très largement la parole aux détracteurs de Dieudonné (dont Alain Jakubowicz de la Licra), mais aussi à ce détracteur plus inattendu qu’est Marc-Edouard Nabe, « cerveau malade » comme l’a rappelé Taddeï. Ce dernier, faisant allusion à la charge de Patrick Cohen, interviewa par conséquent M.-E. Nabe à part, pendant sept minutes, temps de parole équitable pour une émission d’une heure trente. Le lendemain, Caroline Fourest se crut néanmoins autorisée à twitter : « Chez Taddeï, la démocratie médiatique c’est 5 minutes pour les Juifs et 10 minutes pour Hitler… » Une charge qui bénéficie du haut patronage du tout-puissant BHL, alias Bernard-Henri Lévy, qui depuis bien des années s’emploie à dézinguer Taddeï, et de plus longue date à traîner la France dans la boue (lire par exemple son livre abject intitulé L’idéologie française, Ed. Grasset, 1981).

Ignorant si je fais partie ou non des cerveaux malades (même si le fait que France Inter ne m’ait jamais invité constitue peut-être un élément de réponse), je me sens néanmoins en devoir de rappeler que Frédéric Taddeï est, avec Carole Gaessler du Soir 3, le seul animateur (ou journaliste) à m’avoir accueilli dans une émission télévisée nationale de grande écoute, en mai 2010. Tout simplement parce que Frédéric Taddeï considère que son émission, comme son nom l’indique (« Ce soir, ou jamais ! »), est le lieu par excellence où s’expriment, sans exception, tout ce que le pays – voire le monde – compte de voix et de réflexions diverses, dans la limite de la loi, comme Taddeï l’explique également. Afin d’offrir au téléspectateur, sur le service public, un accès le plus complet possible aux différentes sensibilités du temps, y compris les plus controversées. Ce qui n’est pas du luxe, quand on sait combien le monde médiatique français est contrôlé et verrouillé, et volontiers soumis au « politiquement correct ».

Constatant que Frédéric Taddeï, incarne l’un des rares esprits libres de la télévision, et que son émission Ce soir, ou jamais ! reste un des très rares espaces pluralistes du monde médiatique français, il est particulièrement inquiétant et dommageable que l’affaire Dieudonné en fasse la première victime collatérale d’une mécanique idéologique enclenchée par la décision du Conseil d’Etat, après le intrigues et menées conjointement par Manuel Valls et le Crif.

Pareil scandale, s’il devait se confirmer, augurerait d’un avenir bien sombre pour la liberté d’expression, la démocratie et la République, déjà tellement mal en point en France. Et de lendemains prospères pour l’antisémitisme et pour les ennemis de notre pays. Que ceux-ci se situent à l’extérieur ou à l’intérieur du Système…

Alexandre Gerbi